Communiqué de presse

Cinéma(s)
22 janvier - 7 mai 2006
Liam Gillick, Dominique Gonzalez-Foerster, Bernard Joisten, Pierre Joseph, Ange Leccia, Christelle Lheureux & Apichatpong Weerasethakul, M/M, Philippe Parreno, Philippe Perrin, Georges Rey, Thomas Struth
et Jean-Pierre Beauviala, Jean-Luc Godard, Vidéogazette.

L'exposition rassemble des oeuvres de nature différente, des films et des documents de ces trente dernières années. La plupart ont en commun quelques caractères simples : leurs modes et leurs outils de production, leur localisation (Grenoble et sa région) et leurs contenus.
Beaucoup d'entre eux naissent de collaborations (Jean-Pierre Beauviala et Jean-Luc Godard collaborent ;  Ann Lee réunit Dominique Gonzalez-Foerter, Philippe Parreno, Francois Curlet , Liam Gillick, etc.) et sont souvent adressés à des groupes identifiés (les enfants qui sont réunis autour de La pierre qui parle de Philippe Parreno, les habitants du quartier de la Villeneuve de Grenoble, pour le Videogazette, etc).
L'ensemble témoigne, dans un contexte initial qui a été celui de l'expérimentation dans divers champs de traduire le réel et l'événement avec le langage et les outils du cinéma  (ou plus exactement de l'image électronique tant vidéo, cinématographique que télévisuelle).

Jean-Pierre Beauviala créé la société Aäton à Grenoble en 1971. Il se propose de mettre au point un  type de matériel de prise de vue nouveau pour concrétiser le concept de "cinéma proximité" qu'il définit comme «une réalisation où tous les participants, filmeurs et filmés  seraient au même titre responsables». De cet engagement naît la paluche. Dans le même temps, critiques à l'égard des économies et des esthétiques du cinéma industriel, des acteurs locaux créent le Vidéogazette (1972-1976) qui peut être considéré comme l’une des toutes premières télévisions de proximité.

Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville s'installent à Grenoble en 1974 où ils restent jusqu'en 1978. Ils viennent à Grenoble parce qu'il y a Beauviala et que Godard veut faire un détour par la vidéo : «les techniques nouvelles m’ont toujours intéressé, et avec la vidéo, il y avait vraiment quelque chose qui permettait d’aborder le cinéma d’une autre manière». Pendant cette période il réalise cinq films dont les deux séries tournées en vidéo pour la télévision : Six fois deux  et France-Tour-Détour-Deux enfants et le film Numéro deux qui décrit la vie d’un jeune couple dans un grand ensemble, la Villeneuve, où il vit également.

Toutes ces expériences, et la permanence de la tradition diversifiée de l'image  qu'elles ont générées (notamment le cinéma expérimental avec le collectif MTK)  ont en partie alimenté l’Ecole d’Art de Grenoble dont quelques uns des artistes formés se  sont tournés vers le milieu du cinéma (cf. Yann Flandrin, Olivier Zabat ou Catherine Ravalat qui est photographiée par Thomas Struth avec deux autres élèves fondatrices de l'association Macédoine) ou celui de l'art à partir de questions similaires. Autour de personnalités comme Georges Rey (qui est issu du cinéma expérimental) ou Ange Leccia, de jeunes artistes s'emparent de la question du cinéma, des cinéma(s) qu’ils inscrivent dans le champ de l’art et y interrogent par exemple, les modes de production en multipliant les collaborations et les oeuvres collectives. Dominique Gonzalez-Foerster, Philippe Perrin, Philippe Parreno, Bernard Joisten et Pierre Joseph s’associent tour à tour pour les projets Ozone, Siberia, et d'autres.

Ils citent Godard, (notamment Parreno qui imite régulièrement sa voix), posent la question du réel et de l'événement (Philippe Perrin avec la pièce Know Your Rights – Hommage à Jacques Mesrine, montrant une voiture criblée de balles, ou Philippe Parreno avec  No more reality).
Ce mode particulier de collaboration et de production caractérise le fonctionnement de la scène artistique contemporaine dont le projet Ann Lee qu’ils initient est exemplaire : Dominique Gonzalez-Foerster, Philippe Parreno et Pierre Huyghe achètent les droits d’une figure de Manga qu’ils confient à d’autres artistes qui créent avec elle des films ou des objets. La génération qui les suit commandite et réalise avec Jean-Luc Moulène une "photographie de groupe" (quasiment une photo de classe) et Christelle Lheureux co-réalise Ghost of Asia  avec Apichatpong Weerasethakul.

L’exposition esquisse des axes de recherche qui pourraient être développés bien au-delà de la géographie retenue ici et s’appliquer à la génération apparue sur la scène artistique dans la deuxième moitié des années quatre-vingt, celle qui avance l’idée que l’art, même lorsqu’il emprunte les outils du cinéma, n’a pas contrairement à lui de mot fin.