Communiqué de presse

FABRICE GYGI
Commissaire : Lionel Bovier
du 28 mai au 10 septembre 2000
LA RUE

Fabrice Gygi s'attache, depuis plusieurs années, avec des performances, des installations ou des sculptures, à pointer les différentes figures de l'autorité nichées dans notre environnement quotidien. Ainsi, par exemple, lorsqu'il construit des environnements sécuritaires — dressant des barricades de sacs de voyage , détournant du matériel policier utilisé lors de manifestations ou recréant un élément architectural aussi connoté qu'une guérite. Et si la Guarita ne manque pas d'évoquer les mécanismes de surveillance exercés grâce à la vision panoptique, les nombreuses tentes qu'il réalise et dépose dans des lieux d'art convoquent, quant à elles, l'image d'une activité nomade et d'une situation précaire. Dans tous les cas, c'est aussi bien la présence insidieuse et les conditions d'utilisation de ces éléments dans la réalité que l'autorité inhérente à l'institution dans laquelle ils s'insèrent, que Fabrice Gygi souligne.
Plus récemment, en présentant des bars, des podiums ou des espaces évoquant une salle des fêtes et d'improbables terrains de jeu, l'artiste a développé une nouvelle articulation de son travail. Toutes ces oeuvres, en effet, sont des dispositifs qui permettent d'organiser une manifestation publique (officielle, sportive ou festive), une représentation — bref : un spectacle. Ce que Fabrice Gygi met ainsi à jour, c'est que, pour être l'opérateur aliénant que décrit Guy Debord, le spectacle doit posséder des structures de contrainte. Un podium permet, par exemple, de situer hiérarchiquement les protagonistes d'une représentation, de la même façon qu'un bar distribue les rôles sociaux. Les barrières, bien sûr, définissent les limites autorisées du déploiement de la manifestation. Et, le chariot "sound system" que l'artiste a présenté dans ce contexte, rappelle que, lors des "parades" du "mouvement techno", la multiplication et/ou la mobilité des sites de diffusion de la musique a pour effet d'atomiser en petites unités un regroupement qui pourrait devenir trop important et, par conséquent, trop instable.
En ce sens, le travail de Fabrice Gygi révèle que le spectaculaire n'est rien d'autre qu'une ultime figure d'autorité, employant autant d'éléments de contrôle que nécessaire pour éviter qu'une manifestation quelconque puisse basculer dans ce que George Bataille appelait la "dépense".
L'artiste, plutôt que d'appeler à l'action directe, organise la subversion en s'appropriant les instruments même de l'ordre. Et si les oeuvres conservent ainsi toute l'ambiguïté de fonctionnement de leur référent, Fabrice Gygi suggère parfois leur détournement. Ainsi, les chisteras de la pelote basque peuvent devenir des armes de propulsion et des gonflables (censés amortir les chocs) propulser les meubles d'une chambre d'hôtel au plafond. Je ne peux m'empêcher de penser, ici, à Gordon Matta-Clark, lorsque, invité à une exposition d'architecture, il fit exploser par des coups de fusil tous les vitrages du lieu pour présenter dans ces béances des photographies d'immeubles du South Bronx similairement dévastés par leurs locataires en signe de protestation contre leurs conditions de logement déplorables. Et de lire dans cette violence qui fait soudainement irruption dans l'institution, ce qui permet à celle-ci de se reconnecter à une réalité sociale.½
Lionel Bovier, texte publié dans la revue Purple, numéro 5, été 2000, p. 268

L'exposition rassemble dans la Rue du Magasin 18 pièces de 1994 à 2000, dont 4 pièces nouvelles créées pour l'occasion. Ces pièces sont, pour la plupart, des dispositifs qui permettent d'organiser une manifestation publique (officielle, sportive ou festive) ; elles succèdent à ses environnements sécuritaires (détournements de matériel policier et militaire) tout en illustrant une préoccupation identique, pointer les différentes figures de l'autorité nichées dans notre environnement.
L'exposition est structurée autour de l’opposition de deux espaces, l’un évoquant la dimension publique du "forum", l’autre la dimension privée d’une espèce de "commune autonome", et au centre un espace intermédiaire public/privé. Une scène de spectacle et des haies de paravents séparent une aire de jeu disposant d’aménagements d’agrément et un campement de "commune autonome".

FABRICE GYGI est né en 1965 à Genève. Il vit et travaille à Zurich et Genève.

Liste des oeuvres esposées :

Grande tente, 1994. Bâche, métal, bois, 250x200x300 cm. Construction: Olivier Perrin & Fabrice Gygi, Genève. Collection: Musée dart moderne et contemporain (Mamco), Genève.

Mur de sacs, 1994. Nylon, papier, bois; dimensions variables. Construction: Fabrice Gygi, Genève.

Sound system sur chariot, 1997. Aluminium, caoutchouc, système sonore, bâche; 100x100x95 cm. Construction: Victor Lorenzini SA & Fabrice Gygi, Genève. Collection: Fonds municipal d'art contemporain, Genève.

Tente bar, 1997. Métal, bois, bâche, sangles; 250x200x200 cm. Construction: Olivier Perrin & Fabrice Gygi, Genève.

Airbag Generation, 1997. Bâche, ventilateur; 100x500x500 cm. Construction: Fabrice Gygi, Genève. Courtoisie gallery Bob van Orsouw, Zurich.

Paravents, 1997. Métal, bâche. 5 pièces de : 160x160x90 cm. Construction: Olivier Perrin & Fabrice Gygi, Genève. Collection: Pierre Huber, Genève.

Viens dans ma peau, 1997. Coton, bois. 5 pièces de : 150x 50 cm; 2 pièces de/pieces of: 150x200 cm. Construction: Gabrielle Vitte & Fabrice Gygi, Ajaccio.

Snack mobile, 1998. Inox, bâche, nourriture et boissons; 240x240x160 cm.
Construction: Francesco Scarpa & Fabrice Gygi, Genève.

Clean Point, 1998. Inox, bâche, savon, eau/stainless steel, canvas cover, soap, water; 100x200x150 cm. Construction: Michael Lau, Manhattan Sheet Metal, New York.

Poubelles-tonneaux, 1998. Métal. 3 pièces de 089x72 cm chaque. Construction: Olivier Perrin, Jean-Jaques Roubaty & Fabrice Gygi, Genève/Paris.

Arabatt Al-Woudour, 1999. Inox, bois, eau; 162x197x126 cm. Construction: Matthieu Chollet, Atelier Saint-Sabin (ENCI), Paris. Courtoisie de/courtesy of galerie/gallery Chantal Crousel, Paris.

Tente polyvalente, 1999. Métal, bâche, bois, néons; 300x400x600 cm. Construction: Olivier Perrin, Panchaud Bâche SA & Fabrice Gygi, Genève. Courtoisie gallery Bob van Orsouw, Zurich.

Paravents, 1999. Métal, bâche, sangles/metal, canvas cover, straps. 5 pièces de/pieces of: 160x190x90 cm. Construction: Didier Gugolle, Paris. Courtoisie dc/courtesy of galerie/gallery Chantal Crousel, Paris.

Canon à eau, 1999. Métal peint, plastique; 160x160x87 cm. Construction: Vigano GMBH, Zurich. Courtoisie Bob van Orsouw, Zurich.

Râtelier, 2000. Métal peint, macrolon, kevlar, carbone; 110x160x85 cm. Construction: Olivier Perrin & Fabrice Gygi, Genève. Collection: Jean Chatelus, Paris.

Scène, 2000 (en collaboration avec Sidney Stucki. Métal, bois, bâche; 350x600x200 cm. Construction: Didier Gugole & Mathieux Chollet, Atelier St-Sabin (ENCI), Paris. Courtoisie Chantal Crousel, Paris.

Gradins, 1998/2000. Métal, bois. 2 pièces de 270x500x200 cm chaque. Construction : Olivier Perrin, Jean-Jaques Roubaty & Fabrice Gygi, Genève/Paris; Le Magasin, Olivier Perrin & Fabrice Gygi, Genève/Grenoble.

Minoviras, 2000. Bâche. 0284 cm (1 pièce de 0200 cm et 38 cônes de ø20x42 cm). Construction: Howald Nautic Selection, Genève. Collection: Pierre Huber, Genève.