Le Magasin a invité Jim Isermann à créer une oeuvre
originale dans l'espace central non-aménagé, appelé
"La Rue".
Depuis 1986, date de l'ouverture du Magasin, cet espace est dévolu
à des créations originales d'artistes (Richard Long, Daniel
Buren, John Baldessari, Pistoletto, etc.) créées la plupart
du temps spécialement et en fonction du lieu, de ses qualités
architecturales particulières, de ses volumes et de ses dimensions
hors normes (surface de 900m2, hauteur sous plafond de 21 mètres
en son point central).
Jim Isermann a choisi d'occuper l'ensemble de ses murs (plus de 100 mètres
linéaires sur une hauteur moyenne de 5 mètres) et de les
recouvrir d'un matériau visuel composé de 6 motifs géométriques
modulaires simples développés en une série de 6 couleurs
(bleu, violet, vert, jaune, orange et rouge).
Imprimés sur une surface adhésive, ces motifs sont reportés
sur les murs et se déclinent selon deux principes généraux
qui s'opposent : une série répétitive de combinaisons
de rectangles et de carrés développée 15 fois et
une variabilité de couleur à couleur répétée
4 fois.
Dès ses premiers travaux Jim Isermann emprunte les motifs, formes
et couleurs géométriques de la culture visuelle américaine
domestique des années cinquante, soixante et soixante-dix, celle
que révèle la décoration et le design les plus populaires
et les plus communs (papier peint, tissus, etc.).
Jusqu'au Pop art, l'art moderne a influencé la décoration
populaire (voir par exemple l'extraordinaire influence de l'art cinétique
tout au long des années soixante) qui par retour d'influence l'a
lui-même contaminé. Dans l'un de ses entretiens, Jim Isermann
constate que ce rapport s'est inversé depuis le Pop Art. Dans bon
nombre de ses travaux, il les juxtapose dans une situation de dialogue
complexe et non hiérarchisée.
Parmi ses dernières oeuvres, les "Cubeweave" sont exemplaires
de ce mouvement de va-et-vient entre ces deux domaines. La forme de chacune
de ces oeuvres est un cube. Forme primaire, pure, le cube est employé
par de nombreux artistes dans l'histoire de la sculpture de la deuxième
moitié de ce siècle ; il est en bois ou en fer (Robert Morris,
Tony Smith, etc.), il est unique ou est démultiplié en série
(Carl André, etc.). Les cubes de Jim Isermann qui s'inscrivent
dans cette tradition des Beaux-Arts sont, eux, recouverts d'un plaid de
laine aux motifs géométriques colorés qui renvoie
non pas à la sculpture minimaliste mais au catalogue de la Designer's
Guild, c'est à dire simultanément à la domesticité
et au design populaire. Chacun des plaids est produit manuellement et
non pas industriellement comme la loi de productivité du design
l'impose, de surcroît il est original et unique comme tout objet
d'art.
Très attentif aux méthodes et moyens de fabrication de ses
oeuvres, le plus souvent artisanaux (il envisage de plus en plus de les
prendre en charge lui-même), Jim Isermann crée généralement
leurs motifs en relation avec le matériau choisi, sa production
et en fonction des formes qui seront celles de l'oeuvre.
Né en 1955, Jim Isermann poursuit des études au Californian
Institute of the Arts - CalArts de Valencia (1980) et s'établit
à Santa Monica où il vit et travaille.