Le Magasin consacre à John Miller une première exposition
rétrospective qui rassemble un grand nombre d'oeuvres créées
entre 1982 et 1999.
La présentation de ces oeuvres dans les salles des galeries exclut
tout parcours chronologique au profit de leur regroupement plus ou moins
systématique en fonction de leur médium (photographie, peinture,
sculpture, etc.) ou de leur thématiqueet tente également
de privilégier les qualités visuelles et sensibles de l'accrochage,
le dialogue qui peut se nouer entre les oeuvres dans un même espace.
Ces regroupements mettent en évidence les ensembles majeurs de
travaux de John Miller :
- Les tableaux peints à l'acrylique, de sujets très divers
qui pour beaucoup sont empruntés à une imagerie populaire,
d'une banalité consommée. La plupart sont peints en 1983
et chacun l'est en une journée seulement. Etudiant à la
Rhode Island School of Design entre 1972 et 1974, il y reçoit une
formation de peintre marquée par l'héritage de l'expressionnisme
abstrait qu'il rejette rapidement ainsi que celui du Pop art, alors très
pregnant sur la scène artistique américaine. En 1983, il
projette un ensemble d'oeuvres de petit format qu'il tente de réaliser
avec le moins de matériel et de talent possibles en suivant les
préceptes de William Blake, une peinture appliquée successivement
en fines couches transparentes pour obtenir un maximum de luminosité.
- Les tableaux, sculptures (paysages-saynètes en trois dimensions
parsemés de personnages, de petites fabriques et d'objets) et reliefs
"bruns" réalisés au milieu des années quatre-vingt
et qu'il poursuivra pendant près de huit ans. Recouverts d'abord
d'une peinture à l'acrylique marron puis réalisés
à l'aide de pâte à modeler d'un aspect visqueux de
même couleur qui évoque très directement la matière
fécale. Cette matière supposée est bien évidemment
métaphorique et renvoie à un ensemble de significations
possibles énoncées par John Miller dans différents
textes et interviews : le sujet lui-même de l'oeuvre et son principe
formel, ce qu'il imaginait être l'idée que l'homme de la
rue se faisait des Beaux-Arts dans les années quatre-vingt, une
abjection frontale qui permet de résister à l'appropriation
esthétique, la théorie psychanalytique de Freud qui pourrait
inciter à penser que l’art serait une pulsion anale sublimée,
etc.
- Un ensemble de 60 photographies réalisées entre 1994 et
1997 dont le titre générique est Middle of the Day
(le milieu de la journée). Ces photographies de sujets extrêmement
divers qui sont empruntés à la rue et à l'espace
public sont prises au moment précis, entre 12h et 14h, où
les manuels de photographie déconseillent fortement toute prise
de vue, à cause des conditions d’éclairage et aussi,
parce que, dans une perspective sociale, il est dénuéet
d’événements suite à la division entre heures
de travai , de loisirs et de repos.
- La série des représentations de jeux télévisés
et un décor tridimensionnel générique dont les sujets
selon les propres termes de John Miller sont "déprimants"
et exemplaires d'une possible définition de "l'américanité"
dont "ils pourraient être vus comme une perversion alors qu'ils
ne font que l'enregistrer". Selon lui, toujours, "ils remplissent
en quelque sorte le rôle d'un potlach (jeu de défi pratiqué
par les les indiens du Nord-Ouest américain - une façon
de vaincre l'adversaire en faisant le plus beau cadeau) où l'on
dilapide non seulement les biens matériels mais également
les émotions", "c'est l'animisme de la marchandise fétichisée"
au sein d'une famille qui n'en est pas une.
Après des études au Whitney Independent Program de New York
(1978) et au Californian Institute of the Arts - CalArts de Valencia (1979),
John Miller, né en 1954, s'installe à New York où
il vit et travaille.