Press release (french)
I, Myself and Others
Exposition du 26 septembre au 15 novembre 1992
Pour cette manifestation conçue par Thierry Ollat, chargé des expositions
au Magasin, sept artistes réalisent des oeuvres inédites dans une
architecture imaginée comme une métaphore de son titre.
"I, Myself and Others" suggère simultanément l'invention
de la personnalité et les relations qu'une personne choisit d'établir
avec la pluralité des autres.
Andrea Fisher, Felix Gonzalez-Torres, Sean Landers et Joe
Scanlan sont d'origine américaine. Dominique Gonzalez-Foerster,
Philippe Parreno et Philippe Perrin vivent en France.
Ils sont nés après que Paul Valéry eut écrit dans
son "Introduction à la méthode de Léonard de Vinci",
publiée en 1957, à propos de la connaissance : "Encore un
peu, et elle (la connaissance) ne compterait plus comme existences nécessaires
que deux entités essentiellement inconnues : Soi et X. Toutes deux abstraites
de tout, impliquées dans tout, impliquant tout. Egales et consubstancielles".
A partir du récit autobiographique et se servant de la forme narrative
comme d'un instrument, ces artistes inventent une nouvelle unité du soi.
Cette création donne à leurs oeuvres une pertinence inattendue:
la possibilité d'être en activité comme des corps fissibles.
Ainsi puissance et potentiel de perturbation leur viennent d'un rayonnement reste
invisible. Dans l'espace de leurs manifestations elles fonctionnent par la distance
qu'elles montrent entre présence et absence. Cette tension entretenue
entre la dimension privée de l'expérience et la forme de son apparition
dans l'espace du public leur confère une capacité exceptionnelle
de questionnement des positions dominantes du pouvoir.
Andrea Fisher
Née en 1955 à New-York, vit à Londres.
"La réthorique du pouvoir implique un désir de maîtrise,
de perfection, de contrôle total ; pourtant ce désir se révèle
impossible et reste non réalisé. Chaque rhétorique est utopique
dans son désir de réduire au silence toute perturbation.
La psychanalyse pourrait arguer de ce que le désir pour une telle perfection
provient de la peur de la mort, l'ultime perturbation ; mais paradoxalement,
c'est seulement dans la mort que le danger de perturbation est surmonté.
Dans ce sens, l'image de la mort dans le travail fonctionne aussi comme un écho
de ce sous-entendu morbide du pouvoir."
Dominique Gonzalez-Foerster
Née en 1965 à Strasbourg, vit à Paris.
"… A défaut de retrouver ma mémoire, j'ai voulu devenir
une espèce d'historien de soi. Maintenant il me semble que chacun, amnésique
ou non, pourrait avoir envie de commencer ce type de recherches, voir si il n'y
a pas à fouiller, à approfondir et puis s'étendre autour,
trouver des ramifications, un vocabulaire, fréquenter les bibliothèques
et les banques de données. Les villes et les parcs.
Je lis des biographies. Le plan original des conduites, la structure des personnages,
les faits introuvables, les expériences impossibles à traduire,
les recherches en cours, les transmissions à effectuer, la vie quotidienne à organiser.
Se changer de sujet. Adaptation : une sorte de redescription. Le vocabulaire,
le personnage caché."
Felix Gonzalez-Torres
Né en 1957 à Guaimaro, Cuba, vit à New-York.
Anne Umland écrit à propos du récent projet de l'artiste
au M.O.M.A, (mai 92) : "Une grande part de l'oeuvre de Felix Gonzalez-Torres
questionne ce que nous signifions lorsque que nous qualifions les choses de privées
ou de publiques. Faisons-nous référence à la vie privée
ou aux pensées intimes? A la propriété privée ou
aux espaces privés?. ..Qu'est-ce qui est public - personnes publiques,
opinions publiques, art public, espace public?
L'idée du passage aussi est importante, du musée à la rue,
du personnel (la perte d'un être aimé) au politique (la perte de
la vie privée), du privé au public, et inversement. Les notions
de changement et de renouveau sont en jeu, l'idée que les significations
ne sont pas statiques mais changent en accord avec qui nous sommes et où nous
sommes à n'importe quel moment."Pour Felix Gonzalez-Torres, l'espace
privé n'existe plus mais il lui reste le désir fondamentalement
romantique de "faire de cet endroit une place meilleure pour chacun".
Sean Landers
Né en 1962 à Palmer, Massachusetts, vit à New-York.
«… En fait le vent souffle facilement à trente cinq noeuds.
Je suis au milieu d'un gigantesque et magnifique phénomène climatique.
Du genre qui porte véritablement mon tempérament "irish" à son
comble. Mon tempérament est mon côté larmes aux yeux, romantique,
d'irlandais. On dirait une blague mais ce n'en n'est pas une. Je suis probablement
en manque de cette adrénaline de l'écrivain car je peux sentir
l'envie de pisser m'envahir. La sensation de grand art d'un rêve d'ivrogne,
vraiment j'adore ça, je n'en ai jamais assez. C'est comme le souffle de
l'orgue d'une église mais silencieux. Il a cette sorte d'énergie "grand
art". Elle s'empare de moi et m'aspire et me refoule encore. J'ai dû apprendre à mieux
contrôler ses sommets, je viens juste d'en avoir un et vous ne l'auriez
jamais su.
Maintenant que vais-je bien pouvoir faire du reste de ma journée ?..."
Traduit du: "Crane's Green Leather Small Manuscript Book", 1991-92.
Philippe Parreno
Né en 1964 à Oran, Algérie, vit à Nice.
"No more reality", slogan générique du travail de Philippe
Parreno enclenche une chaîne de significations: 1 / L'artiste ne décrit
pas le réel mais ses substituts. 2/ Ceux-ci ne sont pas communicables.
3/ En montrant, l'artiste crée l'illusion d'une communication. 4/ La tâche
qu'il s'est donnée consiste à résister à l'inflation
de la communication, en transposant le fonctionnement mental d'un autiste, et
en exploitant des modèles de production et de comportement déviants.
Philippe Parreno organise un système subversif, résistant au décervellement
général en lui opposant une idiotie "intelligente", et
en faisant de l'art le lieu de toutes les contaminations. Ses oeuvres mettent
en scène l'impossibilité d'une communication "naturelle" :
leur sens dépend d'un code, d'une connivence. "No more reality",
ce slogan sous lequel Philippe Parreno fait défiler des enfants, établit
une équivalence entre la "monstration" (décision d'ordre
intime) et la "manifestation" (engagement social). Car il faudrait,
explique-t-il, "faire se rejoindre le saut dans le vide d'Yves Klein et
le saut à l'élastique".
Philippe Perrin
Né en 1964 à La Tronche, Grenoble, vit à Nice.
Philippe Perrin a commencé par s'identifier à la figure mythique
d'Arthur Cravan, poète dadaïste et boxeur. Cette analogie qu'il a
développée entre l'art et la boxe a éclaté par la
suite en une multitude d'autres simulacres, truand, chanteur de rock, french
lover, personnage de science-fiction. Comme s'il était le paparazzo de
sa propre intimité, il cherche des traces et des indices, expose les lieux,
et les fétiches de ses personnages visant à abolir péremptoirement
la question des rapports entre l'art et la vie, entre ce que Philippe Perrin
produit en tant qu'artiste et ce qui le produit en tant que sujet social. Ses
oeuvres proviennent souvent de l'extérieur: il exploite ses homonymes,
demande à d'autres de lui renvoyer son image (Jean Nouvel, Maître
Vergès), ou reconstitue un fait divers (la mort de Jacques Mesrine). En
risquant ainsi son Moi à chaque exposition, en ruinant l'opposition traditionnelle
entre "vie privée" et "image publique", Philippe Perrin
sape inlassablement l'un des piliers de la production artistique : la subjectivité de
l'auteur.
Joe Scanlan
Né en 1961 à Stoutsville, Ohio, vit à Chicago.
"Je conçois et fabrique des objets qui satisfont les besoins de ma
vie pratique et dans le même temps contribuent à la question en
cours et à l'évolution de l'art.
Les notions d'utilité, de valeur, de sens et d'identité sont inhérentes à mon
travail. L'utilité est une caractéristique intéressante
pour une oeuvre puisqu'elle valide l'existence d'un objet tout en la menaçant.
Allumer une bougie c'est à la fois l'utiliser et la détruire."
Joe Scanlan présente des fragments de son économie individuelle,
depuis le métabolisme jusqu'au mobilier. Les solutions qu'il trouve,
comme le recyclage, la mobilité et la flexibilité, expriment
avec humour et humanité comment il est possible, dans l'art comme dans
la vie, de résister à un environnement inhospitalier.