I, Myself and Others
"Barbara Kruger, Sophie Ristelhueber, I, Myself and
Others" (extrait)
Art Press, Paris, décembre 1992,
p.77
Les trois expositions du Magasin, sans lien avoué entre elles, pouvaient
cependant se voir dans la projection d'une même problématique:
celle de notre conscience aux prises avec le pouvoir ; pouvoir des stéréotypes
sur le corps social avec Barbara Kruger, pouvoir des images sur notre rapport
au monde avec les photographies de Sophie Ristelhueber (1), ou pouvoir de la
personnalité sur notre propre conduite avec les artistes rassemblés
par
Thierry Ollat sous le titre I, Myself and Others (2).
[...]
Enfin, I, Myself and Others proposait quelques artistes préférant
au matraquage de clichés bien pensants, une approche plus ludique du
propos. Joe Scanlan présentait quelques parcelles de son environnement
privé. Bureau, rayonnages en bois, caleçon très spécial,
compost à base de ses propres déchets ménagers mélangés à un
peu de terre : uniquement des pièces de son quotidien que cet artiste
américain fabrique lui-même dans un souci de propreté et
une volonté pragmatique non dénués d'une certaine drôlerie.
Sean Landers, autre Américain, laissait parler son égo d'artiste
en une sorte d'introspection fleuve et manuscrite sur plus d'une centaine de
feuillets accrochés le long des murs. Une vidéo le montrait également
s'interroger, durant deux heures, sur l'oeuvre qu'il réalise, sur l'art
ou, plus prosaïquement, sur son avenir d'artiste. Ces deux démarches,
sans délivrer un message figé dans une prétention mémorialiste
ou spectaculaire rencontrée plus loin, ouvrent sur un art du comportement
qui répond à l'idée du pouvoir omniscient par une pratique
en retrait, nourrie par une expérience et navigant entre gravité et
ingénuité. Volonté autarcique quasi simpliste ou désir
d'art, ces deux artistes n'attendent assurément aucune réaction
pour dérouler leur propre solitude.
Hervé Legros
(2) I, Myself and Others : Andrea Fisher. Dominique Gonzalez-Foerster, Felix Gonzalez-Torres, Sean Landers, Joe Scanlan, Philippe Parreno et Philippe Perrin.