supervisé par Thomas Mulcaire, Pierre Huyghe, Rebecca Gordon-Nesbitt,
Douglas Gordon, Gabriel Kuri, Jeremy Millar, Josephine Pryde, Carsten
Höller, Rirkrit Tiravanija, Ronald Jones, Pierre Joseph, Zeigam Azizov,
Adrian Schiesser, Terry Atkinson...
L'exposition "Le procès de Pol Pot " ne propose pas les
oeuvres différentes de plusieurs artistes qui seraient rassemblées
autour d'une quelconque thématique commune qu'ils illustreraient.
Le procès de Pol Pot est une seule oeuvre , l'oeuvre
commune des artistes Philippe Parreno et Liam Gillick. Elle se découvre
au fur et à mesure du parcours du visiteur dans l'ensemble des
espaces du Magasin : la 'Rue' et les galeries.
L'oeuvre est intitulée "Le Procès de Pol Pot".
Elle se rapporte à l'un des événements majeurs de
ce siècle. Evénement singulier de l'histoire cambodgienne
qui pendant la durée du régime khmer rouge que Pol Pot a
dirigé, n'a pas livré d'images, et dont le procès,
organisé par ses pairs dans la jungle, nous semble illisible. Ce
fait est d'autant plus marquant que ce régime a mis en oeuvre le
génocide de son propre peuple, sans aucune distinction, et dans
une relative indifférence voire dans certains cas avec la complicité
de fait de certaines puissances internationales.
Liam Gillick et Philippe Parreno auraient pu tenter de documenter l'événement
que constitue ce procès, de rassembler les informations existantes
et de les soumettre à la connaissance et à l'analyse du
public, ou de l'interpréter artistiquement en créant des
images ou des objets qui seraient des outils esthétiques d'appréhension
des faits. Ils ont choisi de développer un projet de recherche
auquel ils ont associé une dizaine d'artistes et d'organisateurs
d'exposition appelés "superviseurs" afin de multiplier
des points de vue et de soumettre à leur approbation ou à
leur correction les étapes successives du projet et un ensemble
de questions.
Ce projet de recherche se développe en couches successives : le
projet défini sous la forme d'un texte d'intention, les discussions
engagées par écrit (via internet principalement) entre les
différents acteurs du projet, l'exposition elle-même et le
film-livre qui conclura le processus.
La mécanique de travail de l'exposition par rapport aux conventions
en usage est donc bouleversée.
Il est très vite apparu comme évident que les canons de
la représentation, les manières de concevoir et de fabriquer
des images, ne peuvent pas permettre de rendre compte de l'événement,
qu'il est nécessaire de le désigner autrement, avec d'autres
outils et qu'il s'agit plus de poser des questions diversifiées,
des sortes de points posés ça et là sans qu'il soit
possible de les relier entre eux pour créer une histoire, une narration
du fait, que d'apporter une réponse imagée globale.
Pour l'essentiel, le projet tel qu'il est matérialisé, tente
de construire un espace, un territoire à partir duquel peut émerger
un ensemble de questions. Le bâtiment, les espaces du MAGASIN deviennent
dès lors le décor dramatique d'un plateau cinéma
ou de télévision dans l'attente du tournage d'une production
dont le script et les personnages-acteurs ne seraient pas encore trouvés.
L'espace d'exposition est redessiné, des murs sont installés
dans la rue, barrée d'une image générique de ce que
pourrait être l'affiche ou le banc-titre de la production.
Les murs sont couverts de questions, de mots, de chiffres mis en page,
qui constituent une forêt de signes, probable métaphore de
la forêt du procès et de la forêt de sens et d'interprétations
de l'événement lui-même. Ces questions, mises en page
sur les murs, ne sont pas en la matière un commentaire interrogatif,
linéaire du procès mais forment à un moment donné,
arrêté dans le temps et l'espace un portrait psychologique
de l'événement énoncé à travers différents
lieux sans linéarité de contenu. L'éclairage de couleur
dont l'intensité lumineuse varie sur le rythme d'un battement de
coeur y contribue. Il est en outre le seul élément qui ne
pouvait être envoyé ou par fax ou par email à l'ensemble
des participants.
Le projet finalisé concerne donc la faculté de juger, le
jugement et la multiplicité de ses points de vue en relation avec
un événement pour lequel aucune solution de représentation
n'a pu être trouvée et aucune image n'a pu être produite.
Peut-être que l'une des questions essentielles induites par ce
projet serait de savoir si nous pouvons encore juger sans recours aux
images !
Exposition réalisée avec le soutien du Ministère
de la Culture et de la Communication- Délégation aux Arts
Plastiques - Direction Régionale des Affaires Culturelles Rhône-Alpes,
de la société Isermatic et du Cargo, Grenoble.
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Liam Gillick et Philippe Parreno ont en commun d'être
irréductibles à un quelconque médium, à une
quelconque discipline artistique. iIs multiplient les moyens et les modes
d'intervention en fonction de projets développés dans le
cadre d'un possible récit, plutôt littéraire pour
Gillick, plutôt filmique pour Parreno.
Toute approche de leur travail induit l'entrée de son spectateur à un
moment ou à un autre du déroulement d'une fiction. Quand
il s'agit de Liam Gillick, l'auteur est le plus souvent absent (dans
son premier travail artistique du début des années 80,
il tient le rôle d'un journaliste d'investigation), alors que Philippe
Parreno en est parfois l'un des constituants (sa propre image est figurée
dans quelques-uns de ses travaux).
Liam Gillick , né en
1964, vit et travaille à Londres
et New York.
Philippe Parreno , né en 1964, vit
et travaille à Paris.