Communiqué de presse

Le Procès de Pol Pot
projet coordonné par Liam Gillick et Philippe Parreno
8 novembre 1998 - 3 janvier 1999

supervisé par Thomas Mulcaire, Pierre Huyghe, Rebecca Gordon-Nesbitt, Douglas Gordon, Gabriel Kuri, Jeremy Millar, Josephine Pryde, Carsten Höller, Rirkrit Tiravanija, Ronald Jones, Pierre Joseph, Zeigam Azizov, Adrian Schiesser, Terry Atkinson...


L'exposition "Le procès de Pol Pot " ne propose pas les oeuvres différentes de plusieurs artistes qui seraient rassemblées autour d'une quelconque thématique commune qu'ils illustreraient. Le procès de Pol Pot est une seule oeuvre , l'oeuvre commune des artistes Philippe Parreno et Liam Gillick. Elle se découvre au fur et à mesure du parcours du visiteur dans l'ensemble des espaces du Magasin : la 'Rue' et les galeries.

L'oeuvre est intitulée "Le Procès de Pol Pot". Elle se rapporte à l'un des événements majeurs de ce siècle. Evénement singulier de l'histoire cambodgienne qui pendant la durée du régime khmer rouge que Pol Pot a dirigé, n'a pas livré d'images, et dont le procès, organisé par ses pairs dans la jungle, nous semble illisible. Ce fait est d'autant plus marquant que ce régime a mis en oeuvre le génocide de son propre peuple, sans aucune distinction, et dans une relative indifférence voire dans certains cas avec la complicité de fait de certaines puissances internationales.

Liam Gillick et Philippe Parreno auraient pu tenter de documenter l'événement que constitue ce procès, de rassembler les informations existantes et de les soumettre à la connaissance et à l'analyse du public, ou de l'interpréter artistiquement en créant des images ou des objets qui seraient des outils esthétiques d'appréhension des faits. Ils ont choisi de développer un projet de recherche auquel ils ont associé une dizaine d'artistes et d'organisateurs d'exposition appelés "superviseurs" afin de multiplier des points de vue et de soumettre à leur approbation ou à leur correction les étapes successives du projet et un ensemble de questions.

Ce projet de recherche se développe en couches successives : le projet défini sous la forme d'un texte d'intention, les discussions engagées par écrit (via internet principalement) entre les différents acteurs du projet, l'exposition elle-même et le film-livre qui conclura le processus.

La mécanique de travail de l'exposition par rapport aux conventions en usage est donc bouleversée.

Il est très vite apparu comme évident que les canons de la représentation, les manières de concevoir et de fabriquer des images, ne peuvent pas permettre de rendre compte de l'événement, qu'il est nécessaire de le désigner autrement, avec d'autres outils et qu'il s'agit plus de poser des questions diversifiées, des sortes de points posés ça et là sans qu'il soit possible de les relier entre eux pour créer une histoire, une narration du fait, que d'apporter une réponse imagée globale.

Pour l'essentiel, le projet tel qu'il est matérialisé, tente de construire un espace, un territoire à partir duquel peut émerger un ensemble de questions. Le bâtiment, les espaces du MAGASIN deviennent dès lors le décor dramatique d'un plateau cinéma ou de télévision dans l'attente du tournage d'une production dont le script et les personnages-acteurs ne seraient pas encore trouvés. L'espace d'exposition est redessiné, des murs sont installés dans la rue, barrée d'une image générique de ce que pourrait être l'affiche ou le banc-titre de la production.

Les murs sont couverts de questions, de mots, de chiffres mis en page, qui constituent une forêt de signes, probable métaphore de la forêt du procès et de la forêt de sens et d'interprétations de l'événement lui-même. Ces questions, mises en page sur les murs, ne sont pas en la matière un commentaire interrogatif, linéaire du procès mais forment à un moment donné, arrêté dans le temps et l'espace un portrait psychologique de l'événement énoncé à travers différents lieux sans linéarité de contenu. L'éclairage de couleur dont l'intensité lumineuse varie sur le rythme d'un battement de coeur y contribue. Il est en outre le seul élément qui ne pouvait être envoyé ou par fax ou par email à l'ensemble des participants.

Le projet finalisé concerne donc la faculté de juger, le jugement et la multiplicité de ses points de vue en relation avec un événement pour lequel aucune solution de représentation n'a pu être trouvée et aucune image n'a pu être produite.

Peut-être que l'une des questions essentielles induites par ce projet serait de savoir si nous pouvons encore juger sans recours aux images !

Exposition réalisée avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication- Délégation aux Arts Plastiques - Direction Régionale des Affaires Culturelles Rhône-Alpes, de la société Isermatic et du Cargo, Grenoble.

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Liam Gillick et Philippe Parreno ont en commun d'être irréductibles à un quelconque médium, à une quelconque discipline artistique. iIs multiplient les moyens et les modes d'intervention en fonction de projets développés dans le cadre d'un possible récit, plutôt littéraire pour Gillick, plutôt filmique pour Parreno.

Toute approche de leur travail induit l'entrée de son spectateur à un moment ou à un autre du déroulement d'une fiction. Quand il s'agit de Liam Gillick, l'auteur est le plus souvent absent (dans son premier travail artistique du début des années 80, il tient le rôle d'un journaliste d'investigation), alors que Philippe Parreno en est parfois l'un des constituants (sa propre image est figurée dans quelques-uns de ses travaux).

Liam Gillick , né en 1964, vit et travaille à Londres et New York.
Philippe Parreno , né en 1964, vit et travaille à Paris.