Martino Coppes, Philip-Lorca DiCorcia, Daniele Galliano, Eva Grubinger, Alì Hassoun, Sharon Lockhart, Michel Majerus, Hans-Jörg Mayer, John Miller, Elizabeth Peyton, James Rielly, Tim Rollins + K.O.S., Jean-Jacques Rullier, Jim Shaw, Sam Taylor-Wood, Xavier Veilhan, Gert Verhoeven, Jeff Wall, Ian Wallace, Carrie Mae Weems
Raconte-moi une histoire présente quelques-uns des usages de la
narration [1] dans la production artistique contemporaine. Comme dans
les expositions thématiques précédentes (Autoreverse
2, Images-Objets-Scènes, Vraiment Féminisme et Art, Dramatically
Different), cette exposition est prétexte à l'exploration
d'un point de vue particulier de la création artistique la plus
contemporaine, de ses axes de recherche et de ses oeuvres. Elle ne prétend
toutefois pas tout dire ni tout montrer.
Les artistes rassemblés dans l'exposition sont
nés entre 1943 et 1970. Ils appartiennent plus ou moins à
deux générations distinctes (les artistes nés dans
les années cinquante et ceux nés dans les années
soixante) et sont originaires d'une dizaine de pays différents
(Europe et Etats-Unis essentiellement).
Les oeuvres choisies pour l'exposition sont généralement
représentatives de la production de chacun des artistes. Pour leur
très grande majorité, elles sont bi-dimensionnelles,
planes (peinture, oeuvre graphique et photographie). Les images et les
représentations qu'elles donnent à voir sont fixes, en opposition
aux images animées (vidéo et cinéma). Elles sont
également figuratives (elles s'attachent à la représentation
d'objets réels) et mettent principalement en avant la figure humaine,
des personnages qui sont mis en scène ou en situation.
Les images et les histoires sont d'ordres divers. Certains
des artistes semblent se livrer à l'autobiographie (Carrie Mae
Weems évoque son travail de modèle d'atelier, Jim
Shaw dessine des rêves à partir desquels il projette
ses installations) alors que d'autres évoquent des faits contemporains
quotidiens (Philip-Lorca DiCorcia montre des scènes
de rue , Jeff Wall un personnage isolé à des
instants différés, Daniele Galliano s'intéresse
aux vues urbaines et à la vie nocturne, Sam Taylor-Wood
à des scènes d'intérieur et Eva Grubinger
à des petits groupes de personnages interrompus dans leur action). Le
réel est parfois proche de l'exotisme avec les peintures « africaines »
de Alì Hassoun, déborde vers l'imaginaire avec
les paysages oniriques de Martino Coppes, devient trouble,
voire inquiétant dans les personnages peints de James Rielly.
La narration devient réalité et jeu quand Jean-Jacques
Rullier nous invite à la parcourir, elle est fantaisie feinte
quand Xavier Veilhan met en scène des personnages barbus
étrangement vêtus.
Les images et les histoires dépeignent aussi notre environnement
visuel et les icones de la culture de masse (cinéma, télévision,
vidéo, publicité, etc.). Tim Rollins reproduit
les pages d'une bande dessinée de science-fiction, John
Miller nous montre des plateaux de télévision,
Elizabeth Peyton peint les portraits de stars, Michel
Majerus et Hans-Jörg Mayer puisent abondamment
dans ces icones qui semblent inépuisables alors que Ian
Wallace relate une attaque contre la littérature.
La forme de ces histoires est le plus souvent développée
dans une succession d'oeuvres de même nature qui forment un ensemble.
Tim Rollins suit strictement la succession des pages de la
bande dessinée. Elles sont peintes côte à côte, de
gauche à droite. Le spectateur ne passe plus à la page suivante
mais à la ligne en dessous. Les récits de Sam Taylor-Wood
et de Ian Wallace se lisent de manière linéaire,
image après image, tels des développés photographiques
ou cinématographiques (Sam Taylor-Wood utilise un objectif
de 360° qui balaie la pièce à vivre où se déroule
l'action, chaque photographie qui pourrait être comprise comme le résultat
du collage de plusieurs photographies est en fait un panoramique). L'histoire
ainsi « narrée » satisfait, en apparence, aux conditions
d'unité de lieu, de temps et d'action du récit classique.
Chacune des représentations de Hans-Jörg Mayer, chacun des éléments du diptyque de Jeff Wall, chacun des tableaux de l'ensemble de James Rielly ou de Daniele Galliano ne constitue pas réellement un récit. C'est la mise en relation que le spectateur effectue entre les parties de ces ensembles qui construit l'histoire, et cette construction relève de l'interprétation. Ce même point de vue du spectateur est ménagé dans des oeuvres seules. La juxtaposition des paysages indéfinis de Martino Coppes avec les petits personnages qui les traversent, la mise en lumière d'un passant anonyme pris dans la foule des photographies de Philip-Lorca DiCorcia suscitent également l'interprétation, l'ébauche de l'histoire.
La série de portraits d' Elizabeth Peyton, celle des
jeux télévisés de John Miller ou des
rêves de Jim Shaw donnent une multitude de points de
vue d'un sujet de même nature. Xavier Veilhan s'inscrit
dans la tradition de la peinture narrative. Il propose une narration immédiate,
l'image photographique manipulée est un récit instantané.
L'analyse de Raconte-moi une histoire renvoie à
quelques-uns des champs de recherche de l'art contemporain : l'introduction
de la temporalité dans l'énoncé et le développement
matériel de l'oeuvre, la relation au spectateur, l'influence certaine
du cinéma et de ses dérivés (vidéo et télévision),
et la culture visuelle de masse. Il s'agit du réinvestissement
et de l'épuisement de l'image et de sa mise en forme narrative.
Les artistes
Martino Coppes, né en 1965 à Côme, vit et travaille à Mendrisio (Suisse).
Philip-Lorca DiCorcia, né en 1953 à Hartford,Connecticut (USA).
Daniele Galliano, né en 1961 à Pinerolo (Turin), vit et travaille à Turin.
Eva Grubinger, née en 1970 à Salzburg (Autriche), vit et travaille à Berlin.
Alì Hassoun, né en 1964 à Sidon (Liban), vit et travaille à Milan.
Sharon Lockhart, née en 1964 à Norwood ( Etats-Unis), vit et travaille à Los Angeles.
Michel Majerus, né en 1967 à Esch (Allemagne), vit et travaille à Berlin.
Hans-Jörg Mayer, né en 1955, vit et travaille à Cologne.
John Miller, né en 1954, vit et travaille à New York.
Elizabeth Peyton, née en 1965 à Danbury (Etats-Unis), vit et travaille à New York.
James Rielly, né en 1956 à Wrexham (Pays de Galles), vit et travaille à Londres.
Tim Rollins + K.O.S ., né en 1955 à Pittsfield (Etats-Unis), vit et travaille à New York.
Jean-Jacques Rullier , né en 1962 à Bourg-Saint-Maurice, vit et travaille à Lyon.
Jim Shaw, né en 1952 à Midland (Etats-Unis),
vit et travaille à Los Angeles.
Sam Taylor-Wood, née en 1967 à Londres où
elle vit et travaille.
Xavier Veilhan, né en 1963 à Lyon, vit et travaille
à Paris.
Gert Verhoeven, né en 1964 à Leuven, vit et travaille
à Bertem (Belgique).
Jeff Wall, né en 1946 à Vancouver (Canada) où
il vit et travaille.
Ian Wallace, né en 1943 à Shoreham (Angleterre),
vit et travaille à Vancouver.
Carrie Mae Weems, née en 1953 à Portland (Etats-Unis),
vit et travaille à Syracuse & Boston (Etats-Unis).
[1] Narration: exposé écrit et détaillé d'une
suite de faits,dans une forme littéraire.