GAVIN TURK
The Negotiation of Purpose
3 juin au 2 septembre 2007
du mardi au dimanche de 14h à 19h
INTERVIEW VIDEO Juin 2007 / 1mn38s |
© La Compagnie des Vidéastes
06/07
|
L’exposition personnelle que consacre le Magasin à Gavin Turk
(né en
1967, vit à Londres) est la première de l’artiste en France.
Elle présente une large sélection de sa production des quinze dernières
années, depuis les sculptures en cire le représentant jusqu’à ses
plus récents autoportraits sérigraphiés sur toile.
Au tout début des années quatre-vingt-dix, alors que les Jeunes
Artistes Britanniques, (Damian Hirst, Tracey Emin ou Sarah Lucas) se propulsent
au rang de stars, Gavin Turk entreprend de parodier le culte de la personnalité de
l'artiste célébré par le monde de l’art. Il cherche à mettre
en évidence les conséquences alors induites sur la valeur intrinsèque
de l'œuvre d'art.
En 1991, pour son diplôme de fin d'étude, il présente un
atelier entièrement vide qui ne contient qu’une vitrine à la
Joseph Beuys. À l’intérieur de cette vitrine, une plaque
bleue, comme celles qui ornent les monuments historiques anglais, et sur laquelle
on peut lire : "Borough of Kensington / Gavin Turk Sculptor / Worked Here
1989-1991" [Arrondissement de Kensington / Gavin Turk, sculpteur / a travaillé ici
de 1989 à 1991].(cf. Relic (Cave [caverne] ) Mais le Royal College of
Art semble ne pas goûter la plaisanterie et refuse de valider son année.
Une quinzaine d'années plus tard, The Negotiation of Purpose [La
négociation
sur l’objectif], reprend le titre d'une oeuvre datée de 2002, dans
laquelle un couteau tourne sur lui-même. Ce titre, pour Gavin Turk, c’est "aussi
un titre Dada ou surréaliste pour ce qui a tout l'air d'une machine. Une
sorte de modernité qui n'est jamais vraiment arrivée, qui est devenue
autre chose, qui est devenue ce que nous connaissons aujourd'hui."1
Gavin Turk utilise des citations d’œuvres des Surréalistes
et de René Magritte en raison de l’influence qu’ils ont exercé sur
la peinture et l’art des années 1960 et 1970. Il choisit d’en
reprendre les clichés comme l'œuf ou encore le célèbre Ceci
n’est pas une pipe devenu This is not a melon [Ceci
n'est pas un melon]. Ou bien, il évoque les recherches de ces artistes rejetées par
le système marchand de l'art, notamment avec Oscar (2000), personnage
emprunté à un tableau appartenant à la période dite "vache" de
Magritte, pendant laquelle ce dernier essaie d'éviter de se copier lui-même.
De façon récurrente, Gavin Turk décline sa signature en
parodiant celles d’artistes célèbres pour interroger le mythe
de l'artiste démiurge, les concepts d'originalité et d'authenticité : « le
génie consiste-t-il en une signature, un style identifiable, une identité remarquable
? (…) Je crois que l'une des choses intéressantes dans cette exposition
c'est que les gens ne connaissent pas mon travail et alors peut-être verront-ils
cette signature pour la première fois et peut être se demanderont-ils,
en la voyant en énorme sur une toile, "mais qu'est-ce que cette signature
d'artiste a de si intéressant ?". Ce sera un hiéroglyphe.
(...) J'essayais de remettre en question l'autorité de l'artiste qui réalise
une œuvre d'art qui a de la valeur. Evidemment, je me remettais moi-même
en question mais je remettais aussi le public en question dans sa manière
de développer des systèmes et des critères de valeur. Une œuvre
signée est ostensiblement de plus grande valeur que quelque chose qui
n'est pas signé, mais en même temps une signature en plein tableau
le défigure complètement.»2
Des noms d’artistes du XXe siècle tels René Magritte, Yves
Klein, Piero Manzoni, Robert Morris, Marcel Broodthaers, Joseph Beuys ou Andy
Warhol, il en vient, en parcourant les expositions de Gavin Turk, un certain
nombre à l'esprit. Il semble même parfois impossible de le distinguer
tant il cite librement leurs œuvres. Ses autoportraits en cire ou encore
sérigraphiés à la manière de Warhol, ses objets et
ses photographies offrent un panorama complet de l’histoire de l’art.
Font, [Fonts baptismaux] (2006) est une citation de Fontaine (1917)
de Marcel Duchamp, véritable emblème pour Gavin Turk du pouvoir alchimique
de l'art qui transforme un objet banal et sans valeur en oeuvre d'art. Il actualise
la démarche de Duchamp en choisissant de représenter les objets
au lieu de les déplacer. Il les sélectionne dans le quotidien et
privilégie ceux que la société rejette : un trognon de pomme
Ariane, variété créée par l’INRA en 1979 (Ariadne,
2006), des sacs poubelle (Pile [Tas] 2004 et Waste [Déchet] 2006) ou encore
un sac de couchage évoquant un S.D.F. (Nomad, 2003). Le matériau
qu’il choisit souvent est le bronze, symbole de la sculpture classique
et qui, plus que le socle et le cadre, vient conférer à l’objet
son statut d’œuvre d’art; matériau qui, recouvert de
peinture, assure une reproduction à l’identique, créant une
parfaite illusion.
Eléments (socles, cadres, rouleau de peinture, etc.), concepts (signature,
problé-matique de la reproduction, etc.) théorisés par les
artistes depuis les avant-gardes du début du XXe siècle côtoient,
dans les expositions de Gavin Turk, les références aux héros
historiques et rebelles comme Che Guevara : célébration ou dépréciation
de l’art au regard du monde ? L’artiste semble osciller entre ces
deux positions.
Exposition organisée en collaboration avec le Gemeentemuseum de La
Haye, Pays-Bas.
Catalogue de l’exposition : 112 pages, 60 ill. couleur, textes bilingues
(français-anglais) de Roel Arkesteijn et de Louisa Buck, 27x19 cm, hardcover.
Parution : été 2007.
1 Interview de Gavin
Turk par Louisa Buck in Catalogue de l’exposition, été 2007
(en vente à la librairie)
2 op. cit.