Press release (french)

JACQUES VILLEGLÉ
25 septembre – 27 novembre 1988

Jacques Villeglé est né à Quimper en 1926. En 1944, à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes, il se lie d'amitié avec Raymond Hains. En août 1947, à Saint-Malo, il entreprend la collecte d'objets trouvés : fils d'acier, débris éclatés du Mur de l'Atlantique, fragments de prospectus... En 1949, il s'installe à Paris et décide de limiter sa démarche appropriative aux seules affiches lacérées...
…39 ans plus tard, Villeglé continue, inlassablement, à décoller et collectionner les affiches lacérées.

Jacques Villeglé fait partie de ces artistes qui, le 26 octobre 1960, fondent le groupe des Nouveaux Réalistes. Cela se passe au domicile d'Yves Klein, à l'initiative du critique d'art Pierre Restany. Sont présents : Arman, Dufrêne, Hains, Yves Klein, Martial Raysse, Spoerri, Tinguely et Villeglé. César et Rotella, absents, participent aux manifestations ultérieures du groupe que rejoignent par la suite Niki de Saint-Phalle, Christo et Deschamps. Les Nouveaux Réalistes se manifestent en attirant l'attention sur un objet transformé par l'usage et le temps, et s'affirment en déclarant que l'objet qu'ils s'approprient devient à proprement parler oeuvre d'art par ces accidents plus ou moins heureux plastiquement. Ainsi, ces artistes captent et mettent en valeur des tranches de vie, sans interposer quoi que ce soit entre l'objet et leur subjectivité, sans recourir à la reproduction ni à nulle autre transposition. "La peinture de chevalet a fait son temps. Elle vit en ce moment les derniers instants, encore sublimes parfois, d'un long monopole. Que nous propose-t-on par ailleurs ? La passionnante aventure du réel perçu en soi et non à travers le prisme de la transcription conceptuelle ou imaginative... Nous voilà dans le bain de l'expressivité directe... Tel est le Nouveau Réalisme : une façon plutôt directe de remettre les pieds sur terre, à ce niveau précis où l'homme, s'il parvient à se réintégrer au réel, l'identifie à sa propre transcendance, qui est émotion pure, sentiment et finalement poésie, encore." (P. Restany, Manifestes du Nouveau Réalisme, 1960-63).

L'art de Jacques Villeglé est un des plus purs et riches produits des dogmes du Nouveau Réalisme. Le donné formel de l'affiche lacérée est le résultat d'un phénomène sociologique complexe : l'activité anonyme des lacérateurs, les effets de juxtaposition et de superposition, l'action de la colle sur le bois ou du salpêtre sur la pierre, de la pluie ou du soleil, l'adjonction éventuelle de graffiti, etc… Le donné formel brut de l'affiche lacérée est l'expression vivante et dynamisée de notre monde urbain moderne, la manifestation directe de notre vie en société. Par une action pure et simple de sélection, Jacques Villeglé donne à cet élément brut valeur d'image exemplaire et poétique. Eternel piéton de Paris, il est sans cesse à l'affût des hasards heureux du lacéré anonyme.

Au lacéré anonyme correspond la notion de "décollage". Le décollage est un geste d'appropriation directe et immédiate qui exclut toute volonté d'ajout ou de composition et qui se place donc à l'exact opposé du collage. Le décollage affirme la primauté de l'invention sur la création. L'extension du répertoire formel de l'affiche lacérée est pratiquement sans limites, et l'exploitation de ce domaine de manifestation visuelle spontanée suffit amplement à Villeglé. En donnant pour titre à ses décollages la date et le lieu de la récolte, Villeglé souligne l'aspect documentaire du décollage, indissociable de son aspect esthétique ou sémantique. Sensible tout autant à la beauté qu'à la diversité des affiches lacérées, l'artiste-inventeur se livre à une opération permanente de classement. Son oeuvre, ainsi, se trouve structurée par différentes préoccupations. Villeglé participe, dirige même, la préparation du catalogue raisonné de son oeuvre. Cet inventaire se présentera en différents volumes, chacun se rapportant à un thème particulier : La Lettre lacérée ; Sans lettre, sans figure ; Objets ou personnages lacérés; Avec lettres ou fragments de mots ; Affiches de peintre ;Transparences ; Politique ; Dripping et Graffiti ; Placards de journaux ; Petits formats divers. Cette classification dégage les grandes lignes de l'oeuvre sans tenir compte du développement historique. Les thèmes choisis donnent un aperçu des préoccupations de Villeglé ; il se dégage des constantes qui engagent l'activité sociale autant que l'activité artistique.

Les premiers décollages de Hains et Villeglé datent de 1949. Ils ne furent exposés publiquement pour la première fois qu'en 1957, chez Colette Allendy. Ces artistes, dans le Paris de l'après-guerre où règne la "dictature abstraite", sont au coeur de toutes les recherches expérimentales libres qui se développent de façon marginale et presque clandestine. De 1960 à nos jours, l'intérêt porté à l'écriture, au langage et aux médias par les artistes n'a cessé de grandir. L'oeuvre de Villeglé, directement liée à l'évolution de la société en général, des techniques d'imprimerie et de l'iconographie de l'affiche française en particulier, s'est pourtant poursuivie dans une certaine marginalité, voire clandestinité. L'installation réalisée pour la "Rue" du Magasin, en parallèle à l'importante exposition de Richard Prince, si elle rappelle l'appartenance de Jacques Villeglé aux mouvements d'avant-garde des années 50, affirme bien sa présence parmi les artistes les plus "contemporains" de la fin des années 80.

Parallèlement à l'exposition de Jacques Villeglé au magasin, présentation des films UN MYTHE DANS LA VILLE, réalisation Jacques Villeglé, 30 mn, 1974-88 ; LOI DU 29 JUILLET 1881, VILLEGLE, réalisation Georges Paumier, 26 mn, 1981 ; L'AVENTURE DE L'OBJET, réalisation Jean Antoine et Pierre Restany, 25 mn, 1962-64.
Mercredi 23 novembre 1988 à 20h30, CARGO - Maison de la Culture de Grenoble. Collaboration CARGO/MAGASIN.

EXPOSITIONS PERSONNELLES
1957 Loi du 29 juillet 1881 - Galerie Colette Allendy, Paris (avec Hains)
1959 Le lacéré anonyme - Atelier de François Dufrêne, Paris
1963 Galerie "J", Paris
1964 Galerie Ad Libitum, Anvers, Belgique
1967 De Mathieu è Mahé - Galerie Jacqueline Ranson, Paris
1971 Galerie Michael Werner, Cologne, R.F.A
         Rétrospective 1949 - 1971, Moderna Museet, Stockholm, Suède
1972 Rétrospective 1949 - 1972, Museum aus Lange, Krefeld, R.F.A.
         Galerie Der Spiegel, Cologne, R.F.A.
1973 Galerie Semiha Huber, I.K.I., Düsseldorf, R.F.A.
1974 Galerie Beaubourg, Paris
         Centrum für Kunst, Vaduz, Liechtenstein
         Galerie Semiha Huber, ZUrich, Suisse
1976 Studio Sant'Andrea, Milan, Italie
         Galerie Alexandre de la Salle, St Paul de Vence
         Galerie Le Dessin, Paris
1978 Musée des Jacobins, Morlaix
1979 O.A.C. Saint-Brieuc
1980 Galerie Beaubourg, Paris
         Centre Noroît, Arras
1981 Galerie Convergence, Nantes
1982 Centre d'Art Contemporain J. & J. Donguy, Paris
         Galerie M. Szwajcer, Anvers
1985 Le retour de I'Hourloupe - Maison de la Culture de Rennes
         Espace Claudine Bréguet, Paris
1986 Galerie Convergence, Nantes
         Les années quatre-vingt - Espace Claudine Bréguet, Paris
1987 Gallery 44, Kaorst-Düsseldorf, R.F.A.
         Galerie Reckermann, Cologne, R.F.A.
         Galerie Christian Lauhe, Montpellier
1988 Galerie Patrice Trigano, Paris
         Placards de journaux - Galerie Beau Lézard, Paris
         Galerie du Génie, Paris
         La peinture dans la non-peinture - Galerie d'Art Contemporain, Nice
         Galerie Le Chanjour, Nice
         Magasin - Centre National d'Art Contemporain de Grenoble