Kader Attia, Tsunami
"La société française a intégré l'art"
Le Petit Bulletin, Grenoble, 27 septembre au 4 octobre 2006, p.4
INTERVIEW / APRÈS UN AN DE FERMETURE POUR TRAVAUX, UNE RÉOUVERTURE
FESTIVE ET UNE BELLE EXPOSITION VIDÉO, LE MAGASIN, ESPACE DÉVOLU
AUX ARTISTES VIVANTS, RENCONTRE SON PUBLIC DE PAR CHEZ NOUS, ET RAYONNE TOUJOURS
PLUS LOIN.
Quel bilan faites-vous après ces six mois ?
Yves Aupetitalot :D'abord, depuis que le bâtiment est rénové,
on ne se pose plus de questions sur lui, on en jouit pleinement et les visiteurs
en sont curieux. De plus, pendant toute l'année de fermeture, on a lancé des
actions pour montrer ce qu'était le Magasin, on a fait des collaborations
avec le Musée Géo-Charles, la Fnac, le Musée Dauphinois
; on a aussi noué des liens très forts avec l'union de quartier.
Et cela a porté ses fruits : mon objectif était que les grenoblois
puissent s'approprier le bâtiment. D'ailleurs quand je disais cela ceux
qui m'écoutaient pensaient que c'était un discours institutionnel
- et pourtant le jour de la réouverture, on a vu que ce n'était
pas de la langue de bois, car on y a vu beaucoup de monde. Cela veut dire
que c'est une institution qui fait partie de la ville et dont la plus grande
partie du public est grenobloise, iséroise et rhône-alpine. Le
Magasin est plus visible. Les gens l'ont plus dans la tête qu'autrefois.
D'autre part, on a mis en place un certain nombre de choses qu'on va pérenniser:
la journée portes ouvertes, le travail en direction des scolaires. Ce
sont des micros mesures, ce n'est pas révolutionnaire, mais quand vous
les ajoutez les unes aux autres, cela donne une plus grande ouverture.
D'ailleurs l'expo Vidéos et Films a été très bien
reçue.
En terme de fréquentation, elle a très bien marché. Du
journaliste parisien, à la presse "dite" locale, aux visiteurs,
on a entendu la même chose : "on est venu en traînant les
pieds car la vidéo c'est chiant, on en
est ressorti enthousiaste". C'était effectivement un grand moment.
Même l'exposition d'ouverture a permis aux grenoblois de découvrir
des choses sur leur ville. Dans un journal américain très sérieux
Art in America, ils ont consacré 5 pages à cette expo et à Grenoble.
C'est touchant parce que dans cette revue on voit la Villeneuve à côté d'un
article sur Gauguin.
Prochainement Kader Attia et Jonathan Meese, un événement
?
Oui. Parce que Kader est un artiste assez exemplaire du renouvellement de la
scène artistique française. Il est issu de l'immigration et
est représentatif d'un changement de la composition sociale de la
scène artistique. Ensuite, il fait un travail passionnant, ce qui
lui vaut une carrière étonnante. C'est quelqu'un qui parle
de la société contemporaine et dit des choses tabous. Meese,
c'est la nouvelle scène artistique allemande. C'est un personnage
dans le sens où il ne cesse de citer sa mère, elle est présente
pour les montages d'expositions. Il puise dans la peinture, il utilise des
personnages démesurés de l'histoire: c'est l'artiste démiurge.
Il est aussi un musicien. On verra dans l'expo une pièce présentée
dans l'Auditorium : dans un décor d'un spectacle présenté en
Avignon, Kocaïne, sorte de grande plate-forme/sculpture, les gens se
promèneront au milieu de vidéos, musiques. Une sorte d'Art
Total. Je dois dire que ce qui nous porte au Magasin, c'est l'irruption de
plus en plus forte de l'art dans le champ de la culture. La société française
a intégré l'art.
Séverine Delrieu