Richard Prince
Philippe Piguet
"Richard Prince Le Magasin 24 septembre-27 novembre
1988"
Art press, Paris, novembre 1988
Paraphrasant Guy Debord dénonçant le « spectaculaire intégré » qui
signe, selon lui, la mondialisation du phénomène de la société du
spectacle, on serait tenté de dire, à propos de l'exposition
grenobloise de Richard Prince, qu'elle est l'illustration parfaite de son corollaire,
le médiatique intégré. L'oeuvre de cet artiste puise en
effet aux sources mêmes d'une forme de culture fondée sur la masse,
l'anonymat et le trivial. Images publicitaires, pages de magazines, comics
et simples blagues colportées de bouche à oreille sont les modèles
iconiques à partir desquels Prince déduit son vocabulaire formel.
Le mode de re-photographie fragmentaire qu'il pratique ne ressortit pas d'une
appropriation au sens des nouveaux réalistes (comme il en est chez Villeglé qui
exposait en même temps dans la fameuse « rue » du Magasin)
mais d'une sorte de contrefaçon telle que la déplore précisément
Debord, en ce qu'elle est une réduction du vrai à l'état
d'hypothèse. Si ta démarche de Richard Prince ne manque ni d'esprit
critique, ni même parfois d'ironie sur l'état d'une époque
qui a manqué la gestion de sa communication, c'est parce qu'au bout
du compte, ce qu'il met en question produit son propre spectacle, à savoir
l'image d'un art terriblement démuni.