Remo Salvadori
"Remo Salvadori, Marco Bagnoli"
Art Press, Paris, n° 160, juillet - août 1991
REMO SALVADORI
MARCO BAGNOLI
Magasin
4 mai - 21 juillet 1991
De part et d'autre d'un mur serpentant dans espace du Magasin et conçu
comme une délimitation hautement symbolique, Remo Salvadori et Marco
Bagnoli exposaient pour la première fois en France. Travaillant très
souvent côte à côte depuis leurs débuts (vers la fin
des années soixante), il n'est pas rare de les voir présentés
conjointement, notamment dans de grandes manifestations internationales (Documenta
7, 1982 ; Biennale de Venise, 1982 et 1986). Ici, le va-et-vient entre les parcours
proposés par Salvadori et Bagnoli permettait d'énoncer précisément
la finalité de chacun des artistes l'un par rapport à l'autre
tout en renforçant leur singularité. Le premier, entretenant avec
l'art un rapport de désir, traçait en quelque sorte un chemin
lumineux dirigé vers une harmonie à atteindre ; le second plus
enclin à établir sa pratique dans un entre-deux-mondes, occupait
une position ascétique, d'où un art énigmatique et secret
qui pouvait s'entendre comme les différents rites d'un cérémonial
hors du temps. L'ensemble, vu à la lumière des mythes et d'une
réévaluation de la tradition omniprésente, pouvait s'apprécier
à l'image du Yin et du Yang chinois ou encore sous l'égide du
Janus romain, le dieu aux deux têtes adossées, qui préside
à tout commencement jaloux de son rôle initiatique.
Comme à l'accoutumée, la pratique de Remo Salvadori s'attachait
avant tout à l'espace considéré où des matériaux
simples revenaient comme les éléments d'une versification visuelle.
Des feuilles de plomb découpées et pliées selon un ordre
établi, des trépieds, projections d'un pied photographique coulé
dans le bronze, des récipients, tasses peintes à même le
mur, amphores surmontées d'une autre forme intitulée Modullo,
et qui n'est autre que le plan d'un lieu matérialisé en carafon
de céramique, tous ces matériaux, l'artiste les a transformés
pour les charger d'une valeur métaphorique et les a agencés dans
une dynamique de lumière visionnaire, lueurs perçues dans l'instant
venant de l'intérieur pour éclairer le monde. Ainsi s'entend la
dialectique entre plein et vide, entre esprit et matière selon Remo Salvadori.
Le spectateur était invité à plonger dans ce dictionnaire
de formes pour en évaluer les multiples valeurs symboliques et en retirer
une sensation d'éternité.
(...)
Ainsi Bagnoli et Salvadori à l'image de Janus, dont le nom se retrouve
dans le titre de certaines de leurs oeuvres, pourraient bien être les
figures tutélaires d'un art où traditions revisitées et
mythes ancestraux se fondraient dans une métaphysique unique, occulte
et fondatrice.
Hervé Legros