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«Expositions»
Les Affiches de Grenoble
, Grenoble, 6 mars 1998, p. 34

Les artistes rassemblés dans cette exposition, originaires d'Europe et des Etats-Unis pour la plupart, sont nés entre 1943 et 1970. Peintures, oeuvres graphiques et photographiques racontent ou, plus précisément donnent matière à raconter des histoires. Le public sollicité en permanence face à ces oeuvres trouvera sans doute un grand plaisir à visiter cette exposition qui le renverra à quelques-uns des grands champs de recherche de l'art contemporain (l'introduction de la temporalité, la relation du spectateur à l'oeuvre, l'influence du cinéma et de ses dérivés...).

 

Le parcours débute par le travail photographique de Carrie Mae Weems qui nous parle du temps où elle était modèle pour les autres artistes et de ses relations de couple. Sur les photographies de Jeff Wall, un personnage est isolé à des instants différés, il semble avoir été agressé, au visiteur d'inventer la suite. La vie quotidienne est également exploitée par la jeune artiste Autrichienne Eva Grubinger avec ses groupes de personnages en tôle découpée. Conçue pour être modulée par le public, cette oeuvre trouve sa prolongation sur un site internet qui permet à chacun de jouer avec les personnages. PhilipLorca DiCorcia photographie des scènes de rue où, par le biais de l'éclairage et du cadrage il met en valeur certains passants, héros anonymes de la rue, dans lesquels le public se projettera. Martino Coppes touche à l'imaginaire avec ses paysages oniriques.

La visite se poursuit avec les douze photographies en noir et blanc, colorées à la main, de Ian Wallace, le doyen de l'exposition. Exposées comme une séquence de cinéma ou un développement photographique, l'histoire se déroule dans le temps et traite de la solitude de l'artiste et de la difficulté à créer. Face à lui, Sharon Lockhart joue avec les frontières entre réalité et irréalité dans ses photographies très sophistiquées.

L'Italien, Daniele Galliano, très concret, traite de l'actualité avec ses séries de photographies. Au moment de l'accrochage une sélection est faite parmi celles-ci, à chacun de les mettre en relation. En face, Sam Taylor Wood utilise un objectif de 360° qui lui permet de balayer la pièce à vivre où se déroule l'action. Chaque photographie semble être le résultat d'un collage de plusieurs photographies alors qu'il s'agit d'un panoramique. Enfin, Michel Majerus, nous parle de notre environnement visuel.

L'ensemble de tableaux de James Rielly ne constitue pas un récit. L'oeuvre est très surprenante. A la vision rapide et succincte d'ambiance "à l'eau de rose", les jeunes gens portraiturés, par le biais d'un détail deviennent inquiétants et l'oeuvre fort critique à l'égard de la société. Et John Miller répond avec un regard cynique sur les jeux télévisés grand public. Quant à Hans-Jörg Mayer, il part de photographies existantes pour peindre des séquences d'images à mettre en relations, à interpréter.

Xavier Veilhan travaille la photographie sur ordinateur et tente de se réapproprier la narration, alors qu'Elisabeth Peyton peint des personnes proches d'elle-même ou des stars à des moments, des positions et portant des vêtements différents pour narrer le quotidien de ces individus.

Gert Verhoeven développe une imagerie de l'univers psychiatrique.

L'exposition se termine par des histoires sur la peinture d'Ali Hassoun et deux artistes dessinent leurs rêves et cauchemars : Jim Shaw à la manière de Roberto Matta, Salvator Dali... et Jean-Jacques Rullier, présenté dans un petit cabinet jaune Véronèse où est aussi déposé un livre d'or pour que les visiteurs écrivent leurs rêves....

Chaque visiteur aura un parcours personnel dans cette exposition, ces histoires racontées en fonction de son vécu, le laisse face à lui-même et à la société.

Corinne Pinchon