Bernd and Hilla Becher


 

"Les chateaux d'eau ont-ils une âme"
Grenoble mensuel, Grenoble, février 1989

Depuis 1959, Bernd et Hilla Becher photographient des constructions industrielles, des hauts fourneaux, des bunkers, des silos, des tours de réfrIgération, des reservoir à gaz, des chevalements, des châteaux d'eau... La collection ainsi constituée est aujourd'hui reconnue comme la documentation photographique la plus complète sur l'architecture industrielle en Europe.

Ce que nous choisissons de photographier est affecté par certaines contingences. Beaucoup de ces structures sont en voie de disparition. Elle sont toutes en train d'être démantelées, de rouiller, ou de se désintégrer. Notre grand problème c'est la lutte contre le temps. Méticuleusement, Hilla (née en 34 à Berlin) et Bernd (né en 1931 à Siegen) Becher photographient le chateaux d'eau. Aujourd'hui, la série montrée regroupe plus de 300 clichés C'est ce qui fait la valeur de leurs travaux. Une photo réussie d'un chateau d'eau peut être attribuée au hasard. Une vingtaine, voir une cinquantaine de clichés réussis sur le même sujet le spectateur dira que le photographe a du talent. Mais une telle ampleur et une telle systématisation relèvent d un authentique projet artistique. Le doute n'est plus possible: les châteaux des des Becher passeront à la postérité au même titre que les Allemends de la République de Weimar immortalisés par August Sandor ou les ruraux des States saisis par Richard Avedon.
Un examen attentif permet de déceler extrême rigueur de leur approche formelle. Chez les Becher, tout est calculé au millimètre près, les "constructions" sont placées au milieu de l'image et sont prises à partir d'un poit légèrement surélevé; l'éclairage est toujours neutre, éliminant les ombres et les formations de nuages et les châteaux d'eau sont toujours présentés en proportion égales. L'exactitude de la documentation, la qualité du tirage font le reste. Ainsi, un banal château d'eau - élevé sans intention esthétique - acquiert un statut de "sculpture anonyme". "Cela ne nous intéresse pas tellement de savoir si c'est une oeuvre d'art ou pas. Cela se situe probablement à cheval entre les catégories établies. Nous ne voulons pas qu'ils regardent avec nos yeux mais par eux-même". N'empèche, malgré l'aveu de modestie des artistes, leur travail de "décapage" sur notre regard est évident. Hilla et Bernd Becher: une superbe expo à ne manquer sous aucun pretexte.