Silvie et chérif Defraoui
" Silvie et Cherif Defraoui « Les origines de
la description » "
Art Presence, Pleneuf Val André, Mars /
Avril 1993
Silvie et Chérif Defraoui travaillent ensemble depuis plus de 25 ans à la
constitution d'une oeuvre autour de la mémoire, cette possibilité qu'a
la conscience d'évoquer des images se rapportant au passé, de
les reconnaître comme telles, et d'en tirer les éléments
d'une information répétitive ou non. Au départ autobiographique,
utilisant des objets liés à leur vie personnelle, leur démarche
s'est orientée ensuite vers des "lieux de mémoire".
"Nous avons commencé à entrevoir, notent les artistes, le
rôle qu'elle avait joué depuis la nuit des temps de l'histoire
de la représentation. Nous avons aussi compris que notre travail en
partie ne faisait qu'actualiser cette tradition, à cette différence
près que nous utilisons des moyens modernes, photos, projections frontales..."
Silvie et Chérif Defraoui élaborent dans chacune de leurs oeuvres
une sorte de rituel de la connaissance, à partir duquel s'opère
un rapport au réel. Connaître c'est entrer en contact avec un
objet qui lui, est extérieur à l'image d'une voyante dans sa
boule de cristal. Et cette rencontre ne s'opère que lorsqu'elle accepte
le contrat d'être véhiculé par un discours. Par les mots.
Ces mots qui sont autant de fragments de récits, d'images latentes.
Une mise à distance par rapport à la réalité, des
limites, des frontières. C'est pourquoi, les mots qu'avancent les Defraoui
jouent sur ces limites. Voilés, mis comme en défaut d'être
des fragments. Le spectateur doit ainsi les recomposer, comme dans un jeu de
construction, avec son archéologie personnelle. Parlant à demi-mot,
ces artistes perturbent les codes de lecture en self-service prédigéré de
la société post-moderne et de la lisibilité immédiate
qu'elle impose aux images et aux textes pour exister. Silvie et Chérif
Defraoui abordent de manière frontale le problème de la vision,
des images et des signes, de leur apparition et de leur disparition dans le
mouvement inéluctable du destin du monde.
Ainsi l'exposition "Les origines de la description", conçue
spécialement pour le Magasin comme un projet global, est construite
selon une vision du monde simple et fondamentale, à travers un parcours
ponctué par des stations. Trois sphères tournant l'une autour
de l'autre sur un même axe. La première est le lieu des sensations
et du verbe, l'aube des impressions et de l'écriture, le lieu de la
transition entre l'indicible et les signes ou formules. La seconde enveloppe
la première avec son contenant, ses objets, ses matériaux qui
varient sur terre en poids et en température. La troisième renferme
les deux autres, n'existant que par la lumière où tout se déplace
sous forme d'images. Le lieu des méditations.
La continuité de ces séquences est organisée par les mots,
un texte, attribué à Hermès Trigémiste où se
nouent des sources orientales et occidentales qui, comme le soulignent les
artistes, "commandent à nos yeux un des mécanismes
fondamentaux de notre vision du
monde".
Jérôme Sans