Jim Isermann


 

«Chaud, le marron»
Les Inrockuptibles, Paris, 18 août 1999, p. 58-59

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En regard de l'exposition, dans les salles baptisées "La Rue", Jim Isermann (né en 1955 et vivant à Los Angeles) a réalisé une installation monumentale et finalement légère, puisque c'est sur les quelque cinq cents mètres carrés de surface murale qu'elle se déploie. Ici encore, on ne peut que se réjouir de la présentation de ce travail particulièrement important, dont les questions qu'il adresse depuis plus de quinze ans à l'univers de la décoration, de la culture populaire, et à leur interaction, ont largement irrigué les pratiques actuelles. Ce sont six motifs géométriques qui se répètent et se démultiplient sur les murs selon divers procédés qu'on ne distingue finalement pas bien. Ils sont réalisés dans un dégradé d'adhésif brillant et très flashy et finissent par recouvrir tous les murs. Malgré l'ampleur du travail et son évidente beauté, la matière plastique s'avère au bout du compte bien moins efficace que le tissu (qu'Isermann utilise plus fréquemment) : en s'éloignant du modèle domestique (aussi à cause du gigantisme du lieu), on perd un peu de vue la référence au quotidien. Ce qui relie les deux expositions fait tout l'intérêt de leur simultanéité le pop-art s'impose en effet comme un moment déterminant dans la pratique des deux artistes. Miller (il le dit clairement) a cherché dès l'origine de son travail à s'éloigner de "l'habileté despotique" du pop-art, comme de l'expressionnisme abstrait - ainsi s'est imposé le recours à cette matière brune. Isermann, pour sa part, envisage le pop-art comme ce moment clé où les rapports d'influence entre la culture populaire et l'art moderne se sont inversés. Il reste qu'on se demande quand même s'il était impératif de consacrer, une grande monographie au travail de Miller, qu'un discours finalement un peu amphigourique tente d'extraire d'une naïveté qui sort souvent victorieuse. A tout le moins cette exposition permettra-t-elle de patienter intelligemment jusqu'à la rentrée où Le Magasin présentera, enfin, le travail de Mike Kelley.

Eric Troncy