Jim Isermann


 

«Un curieux tandem à Grenoble»
Libération, paris, 24 juin 1999, p. 40

John Miller fait des empattements marrons : «Ces oeuvres déploient cette peinture couleur de merde comme une arme contre l'appropriation esthétique», explique cet artiste et critique, d'art américain. Il touche à tout, accumule les genres. «Je commence impulsivement sans cadre théorique ou tactique explicite. C'est plutôt comme quand on ”sent le jeu”» II reproduit sur toile des jeux télévisés, recompose avec des mannequins des mini-équipes de base ball, dessine des ruines et des rues et pose par terre un verre de bière pour un canard assoiffé. Une disparité volontaire des oeuvres auxquelles Le Magasin de Grenoble donne cependant une cohérence en les réunissant toutes ensemble pour la première fois. Des tableaux réalistes de 1982, un parcours se dessine qui va du corps aux pièces marron jusqu'aux paysages du Sud-Ouest et à la reconstruction d'un décor de show télévisé avec grand tas de déchets au milieu bien entendu. A côté de John Miller, «la Rue» est occupée par Jim Issermann, une tout autre manière d'envisager le geste car si ce dernier cumule lui aussi, ce sont surtout des motifs géométriques. Des bases modulaires colorées qui occupent l'ensemble des murs en suivant un ordre de répétition extrêmement précis. Un rythme de bleu, violet, vert, jaune orange et rouge explose dès l'entrée, 2319 motifs portés sur une surface adhésive se déclinent selon deux principes généraux qui s'opposent : une série répétitive de rectangles et de carrés développés 15 fois et une variabilité de couleur à couleur répétée quatre fois. Pas de débordement mais un système décoratif qui met en évidence l'impact de l'art moderniste sur le goût populaire, Jim Issermann dans ces dernières oeuvres se réfère aux fameux patchworks que cousaient les colons américains en recouvrant des cubes minimalistes de ces couvertures faites à la main. Un curieux tandem donc pour cette exposition entre l'arithmétique colorée de l'un et les débordements marron de l'autre.

Hauviette Bethemont