" Les sculptures «panique» de Matthieu Manche "
Infomatin, Paris, 28 Avril 1994
«La science, disait Braque, est faite pour rassurer et l'art pour inquiéter.» Lauréat du prix Georges Boudaille, Matthieu Manche (né en 1969) semble appliquer plus qu'à la lettre cette phrase de Braque. Les trois familles de travaux, présentées ici, suscitent une ironique inquiétude sur les prodiges de la science. Il s'agit de sculptures portables zoomorphes de couleur chair, que le spectateur est invité à ajuster et qui prolongent différentes parties de son corps, telles des prothèses monstrueuses. Ailleurs, comme séchant sur un fil après le match, des maillots d'une équipe de football dont les joueurs auraient subi des manipulations génétiques ou un passage dans ces machines à étirer les membres que présente Matthieu Manche. En réalisant des dispositifs qui s'apparentent à ce que peut dessiner un artiste du mouvement «Panique» comme Topor, Mat- thieu Manche provoque chez le spectateur un sentiment d'autant plus troublant qu'il n'y a aucune mise à distance entre ces réalisations et le spectateur. En équilibre entre dérision et pitié, dénonciation et fantasme, ces réalisations sont pleines de risques. Après cette exposition qui démontre que l'auteur ne manque ni de talent ni d'humour, on attend avec impatience la suite: il devrait y être tout autant question d'esthétique que d'éthique.
Luc Vezin