Paul
Morrison
"Des fleurs, du son et des images"
Le Dauphiné Libéré, Grenoble, 21 octobre 2002,
p.7
Après un été hors
les murs avec des interventions réussies à Allevard et Fort-Barraux,
alliant patrimoine et art contemporain, le Magasin réinvestit ses
galeries d'exposition.
L'exposition de Doug Aitken s'y poursuivra jusqu'au 5 janvier. Mais la vie
du centre risque d'être quelque peu perturbée. Les travaux longtemps
attendus (le bâtiment prend l'eau) ont été décidés
et vont être programmés prochainement. Mais même si le centre
devait être provisoirement fermé, son directeur Yves Aupetitallot
précise qu'il poursuivra ses activités.., sous une forme à trouver.
"Mésophylle", le terme nous ramène à la botanique,
mais il s'agit du gigantesque parterre de fleurs (140 mètres linéaires)
que Paul Morrisson a imaginé pour la "Rue" du Magasin réconcilie
naturel et artificiel. Cet artiste né en 1966 à Liverpool, qui
vit et travaille à Londres, est un adepte des "paysages cognitifs".
Il prend ses distances par rapport à la nature, se situant à mi-chemin
entre science et bande dessinée. Il nous invite à aller au-delà des
apparences, à nous servir de notre vécu pour apprécier sa
démarche. Et pour ne pas enfermer les esprits, il privilégie un
graphisme en noir et blanc. Cet impressionnant paysage, qui était déjà en
place cet été, nous permet une nouvelle fois d'apprécier
toutes les possibilités offertes par cet espace unique qu'est la "Rue".
Les galeries offrent elles aussi un espace modulable. Doug Aitken, un jeune
artiste californien, qui présente ici sa première exposition
personnelle en France, a su en profiter. Son exposition s'appelle "Rise" du
nom de la première oeuvre, un immense paysage nocturne de Los Angeles,
la cité des anges, présenté dans un caisson lumineux et
qui nous invite à nous élever. Les oeuvres de Doug Aitken, qui
sont conçues avec une extrême rigueur et font appel à des
techniques sophistiquées (il sait nous les faire oublier), nous entraîne
paradoxalement dans un univers poétique et insaisissable. Il cultive
l'art de la mise en scène et le visiteur se retrouve mis en condition
dans un bain de lumière, de son et d'image. Les installations sont spectaculaires
et prenantes: dans "These restless minds", trois moniteurs placés
au centre d'une estrade déversent des images de l'Amérique au
quotidien rythmées par l'étonnant flux de paroles d'un commissaire-priseur. "Moving" nous
amène sur une piste balisée par des éclairages d'aéroport
et "I am in you", installée dans une construction de bois,
nous plonge dans un monde où le son et l'image se répondent.
Une histoire envoûtante et singulière dans laquelle une fillette
a le premier rôle. Les photographies qui ponctuent l'exposition constituent,
elles aussi, un excellent point de départ pour la réflexion et
l'imaginaire.
Sylvie Perrard