Lidwien
Van De Ven
Jean-Louis Roux
"Merci pour le dérangement !"
Les
Affiches de Grenoble, Grenoble, 25 avril 2003, p.115
On songe aux photographies du Reichstag en ruine, que les reporters firent en
1945, après les bombardements de Berlin. L’allusion n’est vraisemblablement
pas fortuite, sauf que l’image parle non pas de destruction, mais de reconstruction.
Les photos plus haut citées annonçaient le début de l’après-guerre
; celle de Lidwien VAN DE VEN en annonce la fin. Cette jeune artiste néerlandaise
a effectivement saisi le parlement de l’Allemagne réunifiée
en cours de restauration : le chaos du chantier contraste ici avec la composition
rigoureuse et frontale du cliché, lequel – par son parti pris esthétique,
sa charge symbolique et les références qu’il véhicule
– voit sa beauté formelle augmentée d’une dimension
troublante. C’est à un déplacement du statut de l’image,
que Lidwien VAN DE VEN travaille. Quoique inspirées par l’actualité,
ces photos se trouvent détachées de leur sens immédiat ;
nul renseignement n’est fourni sur les circonstances qui ont donné
lieu à la prise de vue. Ainsi «décontextualisé»,
le cliché tend à l’icône intemporelle ; l’effet,
du reste, se trouve souligné par la monumentalité des tirages, imprimés
en offset au format standard des affiches publicitaires en «4 par 3»
(on y verra aussi un désir de désacralisation de l’œuvre
d’art). Prises lors de la dernière année du millénaire,
les photos géantes de Lidwien VAN DE VEN, «placardées»
dans la «rue» du Magasin, proposent un regard problématique
sur l’Europe d’aujourd’hui. La juxtaposition de ces images très
différentes (de nature, de contenu et d’esthétique) crée
une tension visuelle : ce «dérangement» de clichés nous
dérange à notre tour.