Robert Barry
René Denizot
"De la mer à la mer"
Galeries magazine, Paris, août/septembre 1989
(...)
5. SUD-EST
Gorenoble en TGV. La ville a retrouvé ses tramways entre le Musée
et le Magasin. Au Magasin a lieu la dernière manifestation du cycle
inauguré par Jacques Guillot. Je salue sa mémoire. Trois artistes:
Kazuo Katase, Ulrich Horndash, Robert Barry. (...)
C'est surtout pour Barry que je suis venu. Nous avons fait un livre ensemble,
il y a déjà dix ans (1). Je suis son travail depuis les années
70. La constante, c'est le jeu des mots, le lieu des mots, en tant qu'ils s'appellent
et créent un contexte universel et autonome, à la mesure du monde.
Mais les mots sont des signes arbitraires, ils appellent la décision
sans réplique de leur inscription ici et maintenant, immédiate
et tangible, signe du lieu, signature du temps, à la mesure d'un acte
singulier, d'écriture, de peinture, de parole... Ainsi les mots glissent
les uns vers les autres selon tous les croisements possibles du sens et se
glissent de manière insigne dans l'espace et le temps où les
expose le lieu de leur apparition. Ce double jeu, où se conjugue lire
et voir, dire et entendre, prendre et donner, impliquer et expliquer, inscrire
et décrire, dénoter et connoter..., actualise sans image les
potentialités du site. Répondant à l'éclat de la « rue »,
géante, chaude et lumineuse, du Magasin, Barry a peint tous les murs
en rouge et les mots qui s'y glissent en lettres dorées. Cadeau doré tatoué sur
une peau écarlate, le présent fait signe spectaculairement. Dans
la pénombre fraîche et le silence de l'auditorium, une slide
piece de 1971, faite de 80 diapositives, projette à intervalles
réguliers, ponctués par le noir de l'écran et le ronronnement
de la machine, un à un les participes qui complètent la phrase It
is... Entre les deux pièces du Magasin il y a le temps du battage
et le battement du temps. (...)