Images, objets, scènes

 

« IMAGES, OBJETS, SCÈNES: un regard sur la création en France depuis 1978 »
Les Affiches de Grenoble, Grenoble, 31 janvier 1997, p. 37


Exposition rétrospective, exposition constat. L'objet de cette manifestation, présentée au CNAC (Centre national d'art contemporain de Grenoble) est de porter un regard attentif et sélectif sur la création contemporaine franco-française depuis 1978. Une date butoir qui s'inscrit dans la suite d'une exposition similaire qui avait eut lieu au musée d'art moderne de la ville de Paris et qui s'intitulait : Tendances de l'art en France 1968/1978. Autre volet donc, la présente exposition devrait permettre aux visiteurs d'avoir une vision d'ensemble de la scène artistique française des deux dernières décennies. Les artistes choisis ont en commun d'évoluer au sein de réseaux internationaux d'avant-garde, ce qui les différencie de leurs prédécesseurs et donne à leurs propos une dimension qui déborde largement les frontières de l'Hexagone. Parmi ceux qui sont présentés dans les salles, certains s'interrogent sur leur propre statut et sur leur fonction sociale. On verra notamment le travail de Philippe Parreno monologuant dans une langue incompréhensible, dans son film « No more reality ». Ou les groupes de sacs de Véronique Joumard, Marylène Négro et Christiane Geoffroy qui reproduisent en série leurs portraits. Celles-ci deviennent le motif central d'un objet lié à la société de consommation. Plus loin des artistes posent le problème de la crise de la représentation. Ils vident volontairement les objets de leur sens et de leurs fonctions pour leur conférer d'autres significations. L'oeuvre de Bazile Bustamente dispose en ligne une série régulière de fenêtres détournées de leur usage. Dans le même esprit on retrouve les créations de Bertrand Lavier qui pratique la citation en déclinant un ensemble de pièces empruntées à un cartoon de Disney. Les artistes sont aussi et surtout des metteurs en scène. Ils manipulent les objets, les images, voire les sons. Une alliance souvent étonnante. Le « Bar des acariens » de Jean-Luc Vilmouth en est un exemple saisissant. On ne reste pas indifférent non plus devant la chaise de Claude Lévêque éclairée par une simple ampoule et sur laquelle on lit le mot « asile ». Dans la « Rue » (allée centrale du CNAC), des affiches publicitaires appropriées par IFP (Information, Fiction, Publicité) sont collées sur les murs. Elles font écho aux « arrangements » d'Ange Leccia qui détourne deux buts de football à des fins artistiques, ou aux maquettes de Xavier Veilhan représentant des objets familiers simplifiés et neutralisés.

Une tendance commune se dégage de l'ensemble des oeuvres installées au CNAC : celle d'un constat de crise. Une crise de la représentation d'abord, de l'objet ensuite, et enfin de l'artiste lui-même. Ce dernier trouve sa planche de salut en détournant les objets de la civilisation contemporaine et urbaine.

Philippe Brun