Exposition rétrospective, exposition constat. L'objet de cette manifestation,
présentée au CNAC (Centre national d'art contemporain de Grenoble)
est de porter un regard attentif et sélectif sur la création contemporaine
franco-française depuis 1978. Une date butoir qui s'inscrit dans la suite
d'une exposition similaire qui avait eut lieu au musée d'art moderne
de la ville de Paris et qui s'intitulait : Tendances de l'art en France 1968/1978.
Autre volet donc, la présente exposition devrait permettre aux visiteurs
d'avoir une vision d'ensemble de la scène artistique française
des deux dernières décennies. Les artistes choisis ont en commun
d'évoluer au sein de réseaux internationaux d'avant-garde, ce
qui les différencie de leurs prédécesseurs et donne à
leurs propos une dimension qui déborde largement les frontières
de l'Hexagone. Parmi ceux qui sont présentés dans les salles,
certains s'interrogent sur leur propre statut et sur leur fonction sociale.
On verra notamment le travail de Philippe Parreno monologuant
dans une langue incompréhensible, dans son film « No more reality
». Ou les groupes de sacs de Véronique Joumard, Marylène
Négro et Christiane Geoffroy qui reproduisent
en série leurs portraits. Celles-ci deviennent le motif central d'un
objet lié à la société de consommation. Plus loin
des artistes posent le problème de la crise de la représentation.
Ils vident volontairement les objets de leur sens et de leurs fonctions pour
leur conférer d'autres significations. L'oeuvre de Bazile Bustamente
dispose en ligne une série régulière de fenêtres
détournées de leur usage. Dans le même esprit on retrouve
les créations de Bertrand Lavier qui pratique la citation
en déclinant un ensemble de pièces empruntées à
un cartoon de Disney. Les artistes sont aussi et surtout des metteurs en scène.
Ils manipulent les objets, les images, voire les sons. Une alliance souvent
étonnante. Le « Bar des acariens » de Jean-Luc
Vilmouth en est un exemple saisissant. On ne reste pas indifférent
non plus devant la chaise de Claude Lévêque éclairée
par une simple ampoule et sur laquelle on lit le mot « asile
». Dans la « Rue » (allée centrale du CNAC),
des affiches publicitaires appropriées par IFP (Information, Fiction,
Publicité) sont collées sur les murs. Elles font écho aux
« arrangements » d'Ange Leccia qui détourne deux
buts de football à des fins artistiques, ou aux maquettes de Xavier
Veilhan représentant des objets familiers simplifiés
et neutralisés.
Une tendance commune se dégage de l'ensemble des oeuvres installées
au CNAC : celle d'un constat de crise. Une crise de la représentation
d'abord, de l'objet ensuite, et enfin de l'artiste lui-même. Ce dernier
trouve sa planche de salut en détournant les objets de la civilisation
contemporaine et urbaine.
Philippe Brun