Managers de l'immaturité

 

"Carte blanche, aux jeunes créateurs"
Le Dauphiné Libéré, Grenoble, 23 janvier 1999, p.9


Quarante et un anciens élèves des écoles d'art de la région exposent
"Managers de l'immaturité", le titre de l'exposition se veut paradoxal et même un peu provocateur, mais le parcours mis en place au "Magasin" devrait rassurer les sceptiques : les oeuvres des 41 anciens élèves des écoles d'art de Grenoble, Lyon, Saint-Étienne, Annecy et Valence, présentées ici se distinguent plutôt par leur pertinence (et parfois même leur impertinence).

Initiée par les directeurs des cinq écoles d'art de la région Rhône-Alpes, regroupées depuis 1988 au sein d'une association (l'A.D.E.R.A.), cette exposition constitue une grande première. C'est la première manifestation publique du réseau des écoles d'art. Elle matérialise le travail de collaboration qui s'est instauré dans le cadre de la région. Les cinq écoles accueillent 1 350 étudiants, chacune se caractérise par une orientation particulière, mais une convention signée entre les villes (la première alors en France) et un contrat de plan permettent les échanges et les projets communs.
Cette complémentarité que l'on retrouve au niveau des partenaires -(État, ville, département, région), la mise en place de réseaux et l'ouverture de plus en plus grande à toutes les composantes de l'art contemporain, se révèlent primordiales pour l'avenir de ces établissements. Des écoles, Jean-Jacques Gleizal, adjoint au maire de Grenoble, chargé de la Culture, parlant au nom des adjoints à la Culture des cinq municipalités, l'a rappelé, "qui doivent jouer un rôle actif dans le domaine de l'action culturelle, en collaboration avec les institutions et les collectivités".

Cette exposition se révèle aussi exemplaire au moment où Jacques Imbert, inspecteur principal aux enseignements artistiques, vient de remettre au ministère de la Culture, son rapport sur les écoles d'art. Une réflexion sur leur place, leur évolution, la manière dont elles peuvent mieux répondre aux attentes, qui a abouti à des propositions qui devraient aider la décision politique..
Le Centre national d'art contemporain était le lieu idéal pour accueillir cette manifestation. Depuis sa création en 1986, le "Magasin" a toujours entretenu des relations étroites avec l'École d'art de Grenoble. Et l'une des vocations de cet espace est justement de s'ouvrir aux jeunes créateurs.
Les participants à cette exposition ont été choisis par les élèves des différentes écoles, mais l'organisation a été confiée à une artiste, Dominique Gonzalez-Fœster, elle même ancienne élève de l'École d'art de Grenoble.
Elle a choisi d'articuler l'espace en trois mondes : dans le premier, les artistes ont dû se plier à certaines règles, notamment pour la présentation et le choix des oeuvres, le deuxième monde étant auto-géré par les artistes eux-mêmes, et le troisième, sans règle, s'organisant au fur et à mesure de l'arrivée des oeuvres. Pour le visiteur, pas de différence entre ces trois mondes. Ils se révèlent empreints d'une même liberté maîtrisée...
Tous ces jeunes artistes font preuve d'une belle maturité, utilisant au mieux toutes les techniques, tous les supports, pour donner plus de force à leurs propos.
Autre constatation, il est bien difficile de les regrouper par école. Ce parcours riche et ludique met plutôt en lumière 41 personnalités singulières que leurs études ont contribué à révéler.
L'exposition a été inaugurée par Michel Destot, député-maire de Grenoble, et Bernard Saugey, président du conseil général, en présence de Jacques Imbert et des représentants des cinq villes et des cinq écoles d'art.

Sylvie Perrard