Michelangelo Pistoletto


 

Arielle Pelenc
"Michelangelo Pistoletto le temps du miroir"
Art press, Paris, mars 1987, n°112


L'exposition se déroulait en deux temps du 8 novembre 1986 au 11 janvier 1987, au Centre National d'Art Contemporain de Grenoble. Le premier moment dévoilait un gigantesque miroir de 4 m 50 x 3 m 20, placé en travers de l'espace, et dans lequel se réflétaient la foule des visiteurs et les structures métalliques de la halle industrielle. On sait que le passage du miroir marque de manière irréversible l'oeuvre de Michelangelo Pistoletto depuis l'invention, au début des années soixante, des « tableaux réfléchissants » : « Avant de faire les tableaux réfléchissants, écrit l'artiste, j'envisageais l'art en me demandant comment avancer. Depuis les tableaux réfléchissants, je regarde en arrière et j'avance sans problème ». Depuis la porte d'entrée du CNAC, il fallait avancer d'une centaine de mètres afin d'atteindre le miroir. Celui-ci était le plus grand qu'il fût possible de fabriquer d'une seule pièce, un projet que Pistoletto souhaitait réaliser depuis de nombreuses années. Deuxième temps du travail : la mise en volume. Pistoletto traçait au charbon de bois de grands traits sur des feuilles de papier, posées, à même le sol, puis il les agrafait sur les parois qui bordent ce long espace du Centre qu'on appelle « la rue ». Le travail a duré un mois et nécessité environ 1 km 200 de papier. Pistoletto s'interrompait régulièrement pour donner des conférences et parler de son travail à des groupes d'étudiants des Beaux Arts et adultes en formation, y faisant preuve du même engagement, de la même force que lorsqu'il réalise matériellement un travail. Le deuxième moment de l'exposition s'ouvrait le 13 décembre. On découvrait le volume de « la rue » créé par le dessin de Pistoletto, un dessin qui semblait issu d'un seul geste. Travail monumental mais sans théâtralité, dessin brut mais éloigné de toute gesticulation expressionniste. Le miroir, toujours présent, paraissait absorbé par le volume. L'ensemble offrait un événement artistique de haute tenue, comme on en voit peu. Un événement aussi pour Pistoletto qui synthétisait ainsi une trajectoire de plus de 25 années. Du miroir au volume, du dessin à l'espace, du tableau à la « réflexion », son travail s'inscrivait à Grenoble comme un superbe manifeste.