Aimer, travailler, exister: propositions communautaires
dans l'après-l968
"L'effervescence post-68"
Beaux Arts magazine (supp. 1000 expos de l'été), Paris,
juillet 2004, p. 63
Avec 1968, les grandes idéologies s'effondrent. Après 1968, la
société se redessine sur le mode de la communauté, libérant
l'énergie expérimentale que l'on sait dans la décennie
suivante. «Aimer, travailler, exister» revisite ce moment charnière
dans une perspective élargie, fruit d'une importante collecte d'archives.
En réunissant six artistes dont les performances marqueront le tournant
1960/1970, le commissaire Yves Aupetitallot génère d'inédits
entrelacs. Féministes, utopistes, artistes, tous se rejoignent dans un
élan de liberté commun. Les États-Unis (James Lee Byars,
Gordon Matta-Clark, Judy Chicago), l'Europe (Nicola L., Jörg Immenddorf)
et l'Amérique du Sud (Lygia Pape et Lygia Clarke) enfin réunis,
inscrivent le phénomène dans un cadre planétaire et l'entraînent
dans d'intrigants jeux de miroirs. Les oeuvres entament un dialogue autour de
quelques objets emblématiques de la période. La table, le repas,
la convivialité forment un premier point de contact, du matériel
préparatoire du Dinner Party de Judy Chicago aux archives du
célèbre restaurant «Food» ouvert à Soho par
Gordon-Matta Clark, sans oublier la reconstitution du Moon Landing Breakfast
qui réunit la communauté artistique anversoise. Autre objet de
partage, le vêtement donne corps à toutes sortes d'expériences
collectives. Nicola L et son manteau Same Skin for Everybody fait écho
au Divisor de Lygia Pape, réalisé en 1968 à Rio.
Parents de ces performances participatives, les travaux de Lygia Clarke ou de
l'associatun Lidl fondée par Jörg Immendorf participent aux activités
du groupe d'un nouveau type, entre projet utopiste et frénésie
ludique. Avec, en point de mire, l'étonnant film Saltoarte (Anvers,1975)
qui retrace une série de performances sous chapiteau de Panamarenko,
Beuys, Filiou. «Aimer, travailler, exister», oui, mais à
plusieurs.
Amiel Grumberg