John Baldessari
David Shapiro
"John Baldessari Le Dernier des Symbolistes" - "John
Baldessari The Latest Symbolist"
Galeries magazine, Paris, juin/juillet 1987
p.70-75
(English version bellow)
Si l'on était à la recherche du modèle de l'artiste de
la rupture, John Baldessari avec l'autodafé de ses premières
peintures, son revirement vers un art photographique empirique, ses films conceptuels,
ses performances, sa soi-disant destruction de l'aura autour de ses pièces
commandées - dans le style de « I will not make any more boring
art » 1971 (« Je ne ferai plus d'art ennuyeux »), en serait
l'exemple par excellence.
En fait, j'opte en faveur du point de vue d'un critique astucieux, Jeremy Gilbert-Rolfe,
selon lequel Baldessari est un symboliste tardif, à la fois lié viscéralement
aux traditions de Duchamp et de Cézanne. Cette façon de voir
Baldessari n'enlève rien à ses triomphes pédagogiques,
mais elle rend plus claire cette qualité sombre, voire onirique, qui
traverse son travail, en effaçant le faux triomphalisme de la plupart
des critiques. D'ordinaire, il est applaudi pour son influence sur une génération
de jeunes artistes, tels Mullican, Brauntuch et d'autres, mais son propre travail
est plus sévère, plus cérébral dans ses effets,
tandis que sa pédagogie dans ce qu'elle a de plus subtil peut être
située dans ses allégories. Comme dans le cas de Duchamp, sa
soi-disante renonciation à la peinture n'est que la tromperie d'un humoriste,
car quand cela le prend, il continue à appliquer de la peinture aux
ptographies, et ses collages font partie du continuum de l'art du poiesis (l'art
de faire de la poésie), autant que les « Etant Données » de
Duchamp.
Néanmoins, Baldessari fait preuve d'un développement extraordinaire,
un approfondissement et un assombrissement, à partir de ce qui, de prime
abord, paraissait être une entreprise des plus hasardeuses. Les premières
acryliques de 1966 (celles qui ont survécues) tentent de diffuser l'information
claire d'un empiriste dévot: « A Work with Only One Property » (Une
oeuvre à une seule propriété). Pourtant, l'annonce de
cette « information claire » redouble le sens, comme Baudrillard
l'a fait remarquer récemment à propos de Barbara Kruger, du manque
de réalité du texte, tandis que la blancheur de la toile ne fait
qu'accentuer le thème Rimbaldien de l'ennui. Pas de chimère,
pas de représentation, mais de la problématique en abondance,
l'assertion même partant à la dérive, telle une « représentation
sans abri », comme le disait Greenberg de Johns. Je vois Baldessari,
comme Johns, comme un critique des systèmes, mais aussi comme un artiste
qui, dès le début de sa carrière, a lutté contre
l'idée de l'imperfection. Tel Johns, il a utilisé une espèce
de « manie du doute » pour attirer l'attention du monde sur le
quotidien négligé. Il s'est développé en artiste
mélancolique du tardif, avec l'application consciencieuse de l'archiviste
encyclopédique. Personne d'autre que lui n'a activé avec une
telle acuité les archives du film et des medias: et malgré l'iconographie
publique, il a gardé pleinement conscience des possibilités intimistes
d'un vocabulaire populaire dégradé.
Jeune, Wittgenstein recherchait un code parfait de représentation; puis
il a mûri dans un grand effondrement de l'acceptation anthropocentrique
des jeux. L'art de Baldessari semble avoir progressé de rêves
empiriques à un code parfait d'une acceptation éruptive de codes
imbriqués et transgressifs: « Word chain: Palm Tree (Cynthia's
Story) ». Tel Rosenquist, il est devenu un surréaliste américain
du quotidien. On y trouve la poursuite du merveilleux, comme dans sa pièce « Thelonius
Monk », semblable à une danse de déséquilibre formel.
L'inclinaison d'une photographie suffit pour produire une nouvelle forme de
perspective. Le charme de Joseph Cornell n'a pas toujours été associé à l'ouvre
de Baldessari, et pourtant Gilbert-Rolfe avait raison en soutenant que le thème
de l'enfance et de la jeunesse restent constants chez Baldessari. Remarquez
la cadence de couleur qui se jette par la fenêtre dans « Floating
Color », 1972. Dans cette photoperformance, on voit de grandes bannières
de couleurs primaires lancées avec force d'une charmante maison. Comme
chez Freud, le surnaturel cotoîe le réel de très près.
Les premières poésies de John Ashbery (en particulier ce poème
où tout ce qu'il possède est jeté par la fenêtre
par des antagonistes non spécifiés) rappellent cette domestication
américaine du surréel.
Les poèmes érotiques de l'enfance apparaissent dans une multitude
d'oeuvres de Baldessari, et dans sa photographie d'une balle jetée « afin
d'obtenir une ligne droite », l'on pourrait voir une analogie avec le « Ballet
Mécanique » de Léger et les cibles dansantes de Picabia,
ou encore « Entre-acte ». Raymond Roussel a suggéré une
fois qu'il n'avait aucune imagination, seulement des « trucs »,
des dispositifs qui lui permettaient de construire ses livres à travers
une série éblouissante de jeux de mots, méchanistiques
en apparence. Sans doute, à travers Duchamp et ses propres lectures
de De Saussure et Lévi-Strauss, des lectures qu'il a explicitées,
Baldessari a crée une rêverie opaque sur ce genre d'auto-réflexivité. « Embed
Series » est un analogue fascinant de l'oeuvre de Starobinski sur « words
beneath words », et la qualité anagrammatique devient dans l'ouvre
de Baldessari un thème de suppression et de simultanéité.
Les photographies sont des exemples de parataxe: une discontinuité qui
se résume en une espèce de roman policier. De Poe à John
Ashbery, les poètes ont exploré la narration éclatée,
Baldessari s'est appliqué à réaliser cet éclatement
dans l'espace de la photographie. Dans ses « Blasted Allegories » il
a su créer des « phrases » normales qui lient mots et images,
en apparence, aléatoires. Son insistance sur les ordres de l'enfance
comme l'alphabet, compatibles avec les réductions oniriques de Johns,
devient de plus en plus perturbatrice des ordres usuels. Comme dans le cas
des lignes droites de Mondrian, dans l'analyse de Damisch, nous sommes ramenés à l'acte
de regarder. Au lieu d'aller à la dérive vers les charmes mimétiques
d'une photographie, nous sommes rappellés aux spécificités
du regard et aux traits spécifiques du montage.
Une erreur à ne pas commettre en ce qui concerne Baldessari serait de
le limiter à une espèce d'investigation du mouvement, à la
Muybridge. On peut commettre une telle méprise en regardant trop rapidement
une oeuvre de 1976 par ex., dans laquelle des têtes sont alignées,
en noir et blanc, telles des vignettes sur une planche. La poésie de
ses mutations syntaxiques est manifeste dans la série « Violent
Space » où il a isolé des pieds dans des cercles de grand
format (61 x 93 cm). L'effet est celui de Muybridge pris dans un film noir.
A la place d'une simple représentation d'une nature morte ou d'une partie
du corps, on nous offre une superposition ainsi qu'un écran, une opacité et
un rêve d'émotion. Le fétichisme est libellé, avec
l'assurance d'une certaine complexité. L'oeuvre est suffisamment riche
en ambiguité dans l'étendue des figures pour satisfaire n'importe
quel expressionniste. Il s'agit d'oeuvres d'un sceptisme digne de Montaigne,
et ce n'est pas pour rien qu'il a intitulé certaines oeuvres « Fugitive
essays », là où les pièces possèdent l'adresse
digressive de
l'essayiste « infidèle et libre » de « Que sais-je? ».
Même les allusions de Montaigne à son répertoire classique
peuvent trouver leur pareil chez Baldessari, de par son fonds symboliste, comme
en témoigne son « Baudelaire Meets Poe ». En Amérique,
nous nous sommes habitués à la tradition anti-intellectuelle
dessinée par Richard Hoftssader, et dont on fait grand cas dans les
mouvements populistes. Baldessari, dans ses essais et oeuvres éphémères,
fait grand cas d'une stratégie elisabéthaine par laquelle le
populisme s'intègre dans une oeuvre savante.
C'est la raison pour laquelle j'isolerais la capacité de Baldessari,
l'artiste d'un artiste d'artiste, à se réconcilier avec l'humour
populiste de Chaplin, dans sa
« Retouched Series », où un unijambiste reçoit de retour
sa jambe en même temps qu'une canne superflue. Baldessari, tout comme Johns,
est retourné à outrance au cliché américain. Dans
une pièce poignante de 1976, « Concerning Diachronic/Synchronic
Time », un avion est juxtaposé à un oiseau qu'il pourrait
devenir, un bateau traverse le diptyque, et une sirène apparaît
sur la droite, là où se trouvaient auparavant des plongeurs à lunettes
de plongée. Le tout est une fantaisie de transformations essentielles.
Le maître de culture a fait appel au répertoire d'évasion
symboliste. « Fuir là-bas! » L'azur Mallarméen a été domestiqué en
quelque chose d'aussi familier qu'une publicité.
Ce tableau renforce la thèse de Gilbert-Rolfe, selon laquelle l'artiste
fait partie de la tradition synesthétique, plus près de Redon
que de tout autre systématique empirique. Les allégories ont
volé en éclats, maudits, et le peintre est devenu voyant sans
le terme transcendental: illuminations profanes, selon l'affirmation de Benjamin
sur le Surréalisme.
« Nous regardons quelqu'un comme il regarde quelque chose. » Le thème
du regard est constant chez Baldessari, et son travail constitue une analyse
du regard, très rigoureuse. J'ai été particulièrement ému
par un petit livre dans lequel Baldessari montre de façon érotique
une héroïne à la Nadia dans des actes aussi simples, mais
synesthétiques que « Putting a Finger in Milk » « Touching
a Cactus », and « Pushing a Plate off a Table ». Le catalogue
entier est en soi, un petit film où l'amour de l'acte de regarder entre
en contact avec ses agressions et ses anxiétés. Baldessari est
aussi exorbitant que constant dans son utilisation du réalignement afin
de forcer, en autant de morceaux, le regard du spectateur acculé comme
celui de la victime coincée, et je n'ai à l'esprit aucun artiste
autre que Johns qui ait été tellement sensible à la notion
de l'artiste en tant qu'espion. Sans doute, quelques psychanalystes trouveront
dans la possible identification avec la victime un thème pénible
de masochisme, et j'ajouterais même, que l'élément d'une
présentation pessimiste de la victime dans l'oeuvre de Baldessari m'attire.
Cet aspect diminue ce que Baudrillard a défini ailleurs, comme une agression
trop brutale de thèmes publics. Avec ses écourtements, ses « embrassements »,
et sa parataxe, Baldessari a admis dans les termes les plus formels le fait que
sa politique doit être, au mieux, la politique « d'une personne intérieure ».
Ses hommes en costume des années 50 s'opposent à un thème
sous-jacent de « la terreur de la nudité » et, comme le dit
Freud, il nous corrompt afin que nous entrions dans son rêve avec la ruse
des formes. Tel John Ashbery, il est passé maître du jeu de l'absence
et il a désacralisé certains aspects de ce jeu symboliste. Il a
accompli tout ceci avec la satire d'un éthologiste politicien, avec des
morceaux déchiquetés et des noeuds complexes. Dans « Kiss/Panic » de
1984, il fait le montage d'une foule en pleine confusion et un baiser isolé,
entouré par une bordure de fusils et de pistolets. Jamais, depuis la description
de Canetti d'une foule, qui a mal interprété une partie d'elle-même
en le confondant avec le feu qu'elle doit éteindre avec ses pieds, jamais
on a vu une telle équation d'éros et de violence. Plus que tout
autre photographe de nos jours, il a manipulé l'image photographique afin
d'en faire un collage post-cubiste. Il a exploré la syntaxe de l'imagerie
où, comme Meyer Shapiro l'a démontré, un profil devient
une sorte de pronom à la troisième personne. Il serait trop simple
et abrupt de dire qu'il a continué à peindre, après avoir
détruit ses premières peintures, mais par d'autres moyens; comme
Paul Valéry (un autre symboliste tardif) qui disait que le dessin était
une prolongation de la pensée. Dans ses rectangles de 1986, toujours plus
allongés - « Space Between (Close to Remote) », nous regardons
l'essai de Baldessari sur le regard, chaque phrase du rectangle renfermant deux
regards disparates.
D'autres peuvent parler de ses sources et de leurs spécificités.
Quant à moi, comme l'artiste, je reste indifférent à la
source, mais pas au regard.
David Shapiro est poète. Il vit à New York et enseigne l'histoire de l'art et la littérature dans diverses universités (Columbia, Princeton, Cooper Union et William Paterson). Il a publié six recueils de poésies dont « Lateness », « To an Idea » et le premier livre sur les poésies de John Ashbery; ainsi que « Jasper John's Drawings » et « Jim Dine Paintings ».
If one were looking for the model of an artist of rapture, John Baldessari
would seem to be the most. excellent example, with his auto-da-fe of early
paintings, his turn toward an empiricist photographic art, his conceptual films
and performances, his seeming destruction of aura in commissioned pieces, such
as "I will not make any more boring art (1971)." Actually, I choose
to take the view of an astute critic, Jeremy Gilbert -Rolfe, that Baldessari
is a late
symbolist, vitally connected to the traditions of both Duchamp and Cézanne,
and this view of Baldessari does not take away from his pedagogical triumphs,
but it makes clear what is a darker, more oneiric quality throughout his work,
both written and visual, and deletes a false triumphalism from most criticism.
He is usually applauded for his influence on a generation of young artists,
including Mullican, Brauntuch, and others, but his own work is the more severe,
the most cerebral of his effects, and his pedagogy can already be located at
its most subtle in his allegories. Like Duchamp, his seeming renunciation of
painting is a humorist indirection, since he continues to apply paint to photographs
when he chooses and his collaged pieces are part of the continuum of art and
poesis as much as Duchamp's "Etant Données."
Baldessari has shown extraordinary development, nevertheless, a deepening and
darkening of what is from the start a skeptical venture. His earliest surviving
acrylics of 1966 try to distribute the clear information of a devout empiricist: "A
Work With Only One Property." However, the announcement of this "clear
information" redoubles the sense, as Baudrillard recently put it of Barbara
Kruger, of the unreality of the text, and the blankness of the canvas only
emphasizes the Rimbaldien theme of ennui. No pipe, no representation, but plenty
of problematic, since the very assertion is set adrift, a kind of "homeless
representation," as Greenberg had it of Johns. I see Baldessari, like
Johns, as a critic of systems, but an artist who has struggled with the idea
of imperfection from the beginning of his career. Like Johns, he has used a
kind of "mania of doubt" to draw out attention to a world of the
overlooked quotidian. He has developed into a melancholy artist of belatedness,
with the extreme self-consciousness of the encyclopedic archiviste. No one
has activated the archive of film and media with such penetration: and despite
the public iconography, he has been alive to the intimist possibilities of
a degraded public vocabulary.
The early Wittgenstein searched for a perfect code of representation: the late
Wittgenstein matured into a grand collapse of anthropocentric acceptance of
games. Baldessari's art seems to have progressed from the empirical dreams
of a perfect code to an eruptive acceptance of imbricated and transgressive
codes. "Word Chain: Palm Tree (Cynthia's Story)," 1975. He has become,
like Rosenquist, an American surrealist of the everyday. The marvellous is
pursued, as in his "Thelonious Monk" piece, as a dance of formal
dise quilibria. The tilting of a photograph is enough to produce a new form
of perspectivism. The charm of Joseph Cornell has not always been linked with
the Baldessari oeuvre, and yet Gilbert-Rolfe has been correct in asserting
that childhood and the topic of the enfantine is constant throughout Baldessari.
Note the childlike cadenza of color thrown out of a window in "Floating:
Color," 1972. In this performance-photograph, the large banners of primary
colors are seen being hurled from the enchantingly familiar home. The uncanny
is seen, as in Freud, to be closest to the real. John Ashbery's earliest poetry,
and I think of one where his belongings are being thrown out of his bedroom
window by non-specified antagonists, are analogues of this American domestication
of the surreal.
The erotics of childhood appear in a multitude of Baldessari's works, and one
might see this photograph of a ball thrown "to get a straight line" as
comparable to the "Ballet Mecanique" of Léger and the dancing
targets of Picabia and "Entre-acte." Raymond Roussel once suggested
that he had no imagination and only devices, devices that permitted him to
engineer his books through a dazzling series of seemingly mechanistic puns.
No doubt, Baldessari through Duchamp and his own readings of de Saussure and
Levi-Strauss, readings he has made explicit, has created an opaque reverie
on such symbolist self-reflexivity. His "Embed Series," is a fascinating
analogue to Starobinski's work on "words beneath words" and the anagrammatic
quality throughout Baldessari gives his work a topic of deletion and simultaneity.
The photographs are examples of a parataxis: a discontinuity that adds up to
a kind of detective-fiction. From Poe to John Ashbery, the poets have explored
the shattered narrative. Baldessari has applied himself to this shattering
within the single if loosened space of photography. In his "Blasted Allegories" he
has been able to create anomolous "sentences" that bind up seemingly
random word and image. His insistence on childhood orders like the alphabet,
consistent with Johns' oneiric reductions, is increasingly disruptive of the
usual orders. One is brought back, as with Mondrian's straight lines, in Damisch's
analysis, to the act of looking. Instead of being able to drift into the mimetic
charms of a photograph, we are taken back to the specifics of the gaze and
the specific features of the montage.
One mistake conerning Baldessari is to limit him to a species of Muybridge-like
investigations of motion. One can make this mistake by looking too carelessly
at say a work of 1976, where vignetted heads are lined up in black-and-white
on boards. The multifoliate poetry of his syntactical shifts is seen in the "Violent
Space" series where he has isolated feet in circles on a large format
(24 x 36,5). The effect is one in which Muybridge is caught in a film noir.
Instead of a simple presentation of still-life or body-part, we are given a
superimposition and a screen, an opacity and a dream of emotion. The fetishistic
is lampooned and with some complexity affirmed. The work is one with as rich
a figure-ground ambiguity as any expressionist could desire. These are works
of a Montaigne-like skepticism, and it is not for nothing that he has labelled
some works "fugitive essays," where the pieces have the digressive
skill of that "faithless and free" essayist of "que sais-je
?" Even the allusions of Montaigne to his classic repertoire can be matched,
in Baldessari, by his sense of the symboliste background, as in his "Baudelaire
Meets Poe." We have grown used, in America, to the anti-intellectual tradition
limned by Richard Hotfssader and made much of in populist movements. Baldessari,
in these essays and fugitives, makes much of an Elizabethan strategy to include
populism within a learned work.
It is for this reason that I would isolate the ability of Baldessari, an artist's
artist's artist, to reconcile himself with the populist humors of Chaplin,
in his "Retouch Series" where a one-legged gentleman is given back
his leg, with a redundant cane. Baldessari has like Johns returned to the American
cliché with a vengeance. In a poignant piece from 1976. "Concerning
Diachronic/Synchronic Time" a plane is juxtaposed with the bird it might
become, a boat crosses the dyptich, and a mermaid appears on the right where
goggled divers have been before. The whole is a fantasy of essential transformations.
The master of culture has summoned up the repertoire of Symboliste escapism. "Fuir
là-bas!" Mallarméan azure has been domesticated into something
as familiar as the advertisement, and the reductions of the public commodity
have been split into something intimate as an Antonioni nightmare. This tableau
reinforces Gilbert-Rolfe's sense of the artist as part of a synaesthetic tradition,
closer to Redon than to any empirical systematics. The allegories are blasted,
accursed, and the painter has become a voyant without the transcendental term:
profane illuminations, in Benjamin's affirmation of surrealism.
"We look at someone as they look at something." The theme of the gaze
in Baldessari is constant and his work constitutes an analysis of the gaze, as
rigorous in its own humors as Alois Riegi's famous penetration of the Dutch group
portrait. And I have been particularly moved by a little book in which Baldessari
focusses erotically on the reactions of a Nadja-like heroine to the simple but
synaesthetic acts of "Putting a Finger in Milk," "Touching a Cactus," and "Pushing
a Plate off a Table." The whole catalogue is a little movie of discontinuous
scoptophilia, where the love of looking comes into contact with its own aggressions
and anxieties. Baldessari is exorbitant and constant in his use of realignment
to force the issue, in so many pieces, of the gaze, of the cornered viewer and
the cornered victim, and I can think of no other artist except Johns who has
been so alive to the notion of artist as spy. No doubt some psycho-
analysts will aver that there is a painful theme of masochism in the possible
identification with the victim, and I would add that I am attracted to the
element in Baldessari's work of a pessimistic presentation of the victim. This
takes away from what Baudrillard has typified elsewhere as a too brutish assailing
of the public themes. With his cropping and "kissing" and parataxis,
Baldessari has admitted in the most formal terms to the fact that his politics
must be, at best, a politics of the "interior person." His suited
men of the 1950's oppose an underlying theme of "the terror of nakedness," and
he bribes us, as Freud says of the poet, to enter his dream with the cunning
of forms. Like John Ashbery, he is a master of the game of absence and he has
desacralized aspects of that symbolist game. He has accomplished all of this
with the satire of apolitical Ethologist, with jagged fragments and excessive
knots. In "Kiss/Panic" of 1984, he gives us a montage of a crowd
in confusion and an isolate kiss surrounded by a margin of guns and rifles.
Not since Canetti's description of a crowd that has misinterpreted parts of
itself for fire that is must stamp out, has there been such an equation of
eros and violence. More than any other photographer of our time, he has manipulated
the photographic image to become part of a post-cubist collage. He has explored
the syntax of imagery, where as Meyer Schapiro has shown, a profile becomes
a kind of third-person pronoun. It might be too simple and abrupt to say he
has continued to paint, after his destruction of early paintings, but by other
means, as Paul Valéry, another late symbolist, said: that drawing was
a prolongation of thinking. In the increasingly lengthy rectangles of 1986, "Space
Between (Close to Remote)," we see Baldessari's essay in seeing, as each
sentence of a rectangle encloses two disparate gazes. Others may speak of his
sources and their specificity. I, like the artist, am indifferent to the source,
but not to the gaze.