John Baldessari
Anne Dagbert
"Baldessari, Bouillon, Fridfinnsson"
Art press, Paris, juillet/août 1987
Composition for Violin and Voices (male) de John Baldessari est la plus
grande installation de l'artiste californien réalisée jusqu'à présent.
Dans le hall du Magasin (la Rue), sur 1000 m2 de cimaises, il a disséminé des
photos géantes d'acteurs hollywoodiens, extraites de leurs films, caractérisées
par la diversité
des expressions des visages. Certaines sont colorées dans des tons quelque
peu fluorescents, d'autres sont en noir et blanc et cette alternance irrégulière
rythme a marche du promeneur jusqu'au violon gigantesque, sur la partie arrondie
de la cimaise, et jusqu'à son archet en négatif qui occupe le mur
du fond. Partition pour des voix muettes? Avec Baldessari, les images photographiques
sont toujours parlantes et s'ouvrent à diverses interprétations.
Ici, les cordes du violon seraient heurtées mentalement par un archet
vif et passionné qui ferait vibrer dans l'aigu (comme dans une partita
de Bartók) les mille et une émotions des faces masculines : peur,
rire, inquiétude, joie. Ou bien : la distance notable entre le violon
et l'archet signe l'absence irrémédiable de l'instrumentiste et
met en question son pouvoir d'actionner les pauvres marionnettes que sont les
acteurs du monde. Pourtant, ceux-ci ne cessent de se débattre dans leurs
contradictions.
Si depuis quelques années, le travail de Baldessari a abandonné l'usage
de l'écriture, il n'en poursuit pas moins une investigation sémantique,
l'image photographique étant considérée comme un langage,
au même titre d'ailleurs que toute forme d'art visuel. Et nous constatons
que les oeuvres de Baldessari, Bouillon et Fridfinnsson - leur réunion
n'est pas un hasard - sont toutes trois orientées vers une définition
de l'art plus conceptuelle que matérielle, où le langage, lié aux
matériaux plastiques, est générateur de signes. (...)