Annika Larsson, Amy O'Neill, Tracey Emin


 

"Gravité et lévitation" (Annika Larsson)
Les Affiches, Grenoble, 11 février 2005, p.153

Musique lancinante, chanteur travesti, spectateurs extatiques les premières minutes font évidemment songer à un clip. Tout cela, cependant, est bien trop lent, bien trop minimaliste, pour répondre aux impératifs marchands du show-business. En réalité, it ne s'agit nullement d'un concert filmé, mais d'un film rigoureusement scénarisé, dont un concert fictif est le prétexte.
Avec New Gravity, la jeune artiste suédoise Annika LARSSON dérègle le dialogue habituel de la musique et de l'image animée. Cette longue oeuvre vidéo bouscule le rapport fusionnel que nous cultivons d'ordinaire avec ta musique : ici, l'image frustre le spectateur, elle n'a rien de chaleureux. Les rythmes électroniques se montrent terriblement entêtants, en même temps que la réalisation s'avère distanciée et glaciale. Filmées au ralenti, les scènes sont d'une répétitivité qui intrigue et les gros plans (mollets, chaussettes) particulièrement incongrus.
Sur les images d'Annika LARSSON, des danseurs léthargiques (uniquement des jeunes hommes, portant souvent couteau à la ceinture) semblent englués dans une transe presque immobile. Ils se livrent à un cérémonial austère, dont tout sourire est exclu. Regards fixes, traits figés, ils sont pris d'une langueur morbide. Du reste, l'un des danseurs tombe (en syncope, de sommeil ou en hypnose) et, dès lors, l'ouvre prend une tournure nettement onirique. Un personnage en images de synthèse fait son entrée ; et la « nouvelle gravité » annoncée s'achève paradoxalement sur une scène de lévitation. En conclura-t-on que la musique est «planante» ? À chacun de débrouiller ce labyrinthe narratif à la réalisation extrêmement maîtrisée, mais au contenu délibérément flottant.

Jean-Louis Roux