Annika Larsson, Amy O'Neill, Tracey Emin
"Comment certains vivent" (Annika Larsson)
Le Petit Bulletin, Grenoble, 16 février
2005, p.4
EXPO / DURANT LES TRAVAUX DE RÉNOVATION DE SON BÂTIMENT, LE MAGASIN
S'INSTALLE
JUSTE EN FACE ET PROPOSE JUSQU'EN JUILLET UNE PROGRAMMATION MENSUELLE ÉCLECTIQUE
DANS SON NOUVEL ESPACE ET CHEZ SES PARTENAIRES (MUSÉE DAUPHINOIS,
GÉO-
CHARLES, FNAC). POUR L'INAUGURER, LE CNAC Y PRÉSENTE NEW GRAVITY DE
ANNIKA
LARSSON, UNE VIDÉO OÙ LA JEUNE ARTISTE SUÉDOISE MET EN
SCÈNE SA VISION D'UN
INSTANTANÉ DE LA SOCIÉTÉ.
Depuis vos débuts, vous utilisez uniquement la video
pour vous exprimer. Pouvez-vous nous dire ce qui a vous a
conduit à travailler exclusivement ce médium ?
Il y avait beaucoup de caméras à l'école d'art où j'ai étudié,
c'est donc naturellement vers ce médium que je me suis tournée.
Et puis la vidéo est proche de la photo, mais permet d'animer cette
image fixe.
Quand on voit New gravity, la vidéo actuellement présentée
au Magasin d'en face, on ne peut s'empêcher de penser au travail de Rineke
Dijkstra...
Je ne suis pas très familière de son travail. Je ne pense pas
que l'on puisse réellement comparer nos travaux. Je ne fais pas de portraits
photos. En fait je ne fais jamais de portraits. Je ne m'attache pas aux gens
que je filme, lis sont là pour les besoins de la scène que je
crée. Ce ne sont pas les acteurs que j'utilise dans mes films mais leurs
attitudes, leurs vêtements. Pour moi il ne s'agit pas de les révéler
mais de les diriger pour obtenir l'effet que je veux, un peu comme si je créais
une animation.
On constate d'ailleurs très bien ce principe de mise en
scène,
est-il important pour vous dans votre rapport à la réalité ?
New Gravity se rapporte à ces jeunes américains fans
de jeux vidéos qui ont un côté middle, class, middle life,
des jeunes qui se fondent partout, qui seraient presque interchangeables. Leur
esthétique me fascine. Alors qu'il y a quelques années, on les
considérait comme des losers, aujourd'hui leur statut a changé.
J'ai essayé de comprendre tout cela en m'immisçant dans leur
réalité, en la recréant, tout du moins ce que j'en percevais.
J'ai essayé d'objectiver tout cela.
Est-ce cette recréation d'une
réalité qui vous conduit à y
inclure des éléments de réalité virtuelle ?
Les possibilités de l'informatique me fascinent, même si je ne
suis pas une grande fan des effets spéciaux. Là ce qui m'intéressait,
c'était la possibilité de créer un être virtuel
proche de l'humain, mais dont on voit quand même la facticité.
Et puis tout devient possible avec la réalité virtuelle, elle
accentue le côté ambigu
de la vidéo.
On ressent effectivement une atmosphère très
particulière,
quelque chose d'assez flottant. L'attitude des garçons
que vous filmez y est pour beaucoup. On ne
voit plus
cette importance du regard qu'il y a dans vos autres travaux, pourquoi ?
Dans mes précédents travaux, les personnages se regardaient entre
eux, et moi-même j'apportais beaucoup d'importance au regard que je portais
sur eux. Aujourd'hui, cette mise en situation me fatigue un peu. Ici, l'idée était
de reproduire le sentiment d'abstraction que procurent ces garçons:
Cela passait forcément par ce jeu des regards qui ne se fixe pas. Cela
contribue beaucoup au ressenti du film.
La musique aussi contribue beaucoup à ce
ressenti...
Le chanteur qui apparaît est mon ami, Tobias Bernstrup. Je suis une grande
fan de sa musique, et nous collaborons depuis longtemps ensemble. C'est d'ailleurs
par lui que m'est venue l'idée de ce film. Je suis allé voir
une de ses performances, et dans la salle, il y avait exactement le même
type de public que dans la vidéo.
Vincent Verlé