"Germination 7"


 

"En dix ans de Germinations..."
La Lettre Grenoble Culture, Grenoble, Novembre/ Décembre 1992, N° 24

Près d'une centaine d'oeuvres réalisées par les soixante-deux jeunes artistes sélectionnés pour participer aux trois ateliers de Germinations VII (Prague, Budapest et Grenoble) sont exposées au Magasin, c'est l'occasion de retracer l'histoire de cette manifestation originale et de rendre hommage à ses fondateurs. Georges Boudaille, disparu en février 1991, est avec Horst Wegmann, à l'origine en 1982 de Germinations. Critique d'art, auteur d'ouvrages sur Picasso, Courbet, Goya, responsable des pages artistiques dans Les Lettres françaises, Georges Boudaille est nommé en 1970 délégué général de la Biennale internationale des jeunes de Paris. Il rassemble alors autour de lui un petit groupe de jeunes conservateurs et critiques : Daniel Abadie, Jean-Marc Poinsot, Alfred Pacquement, Catherine Millet et fait appel à un architecte alors débutant Jean Nouvel. Pendant quinze ans il tentera de faire reconnaître, à une époque où les institutions étaient moins attentives qu'aujourd'hui l'innovation, l'importance de la jeune création. La Biennale arrêtée, il poursuivra néanmoins cette activité de découverte en contribuant à l'organisation de Germinations. Horst Wegmann, responsable du bureau des échanges professionnels universitaires, culturels et sportifs à l'Office franco-allemand pour la jeunesse relate la mise en place, les débuts et les attentes de Germinations, biennale aujourd'hui européenne, des écoles d'art, inaugurée à Paris en 1982.

Lointains préliminaires de Germinations... des ateliers, des échanges informels entre la France et l'Allemagne et surtout votre rencontre avec Georges Boudaille.

J'ai commencé à travailler à l'Office franco-allemand pour la jeunesse en 1971. En 1975, j'ai établi une série d'échanges de jeunes artistes professionnels, musiciens, comédiens ce qui représentait une nouveauté pour cette institution. Après le succès obtenu par exemple dans le domaine du jazz par les ateliers qui réunissaient Henry Texier, Jean-François Jennyclarck ou Albert Mangelsdorf nous avons invité de jeunes plasticiens en ateliers à Neuenkirschen, Aix-la-Chapelle et Bordeaux. Intégrés à l'OFAJ, ces échanges modestes, difficiles à établir car peu soutenus par les institutions, constituent en quelque sorte, les prémices de Germinations. Les deux colloques organisés à Paris en 1977 lors de l'exposition Paris/Berlin et autour de Jean-Marc Poinsot, dans le cadre de la Biennale des jeunes lui ont apporté une nouvelle dimension. A cette occasion, participant aux côtés de jeunes conservateurs, critiques, historiens d'art, philosophes, étudiants, à la réflexion engagée autour du thème Penser l'art contemporain, je rencontrais pour la première fois Georges Boudaille avec qui je devais me lier d'amitié.

Germinations était une proposition culturelle pour le sommet franco-allemand réunissant, en 1979, Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt

Avec Georges Boudaille nous avons réfléchi dans le prolongement de nos deux activités, à la possibilité d'institutionnaliser des échanges entre étudiants des écoles d'art françaises et allemandes. Ce projet présenté au ministère de la Culture à Paris reçut l'accord et le soutien financier de l'Inspection générale des enseignements artistiques. L'accueil favorable que Michel Tourlière, inspecteur général, réserva à cette proposition favorisa sans nul doute l'adhésion des directeurs des écoles d'art allemands.

La première édition de Germinations est donc franco-allemande avant de devenir européenne et même de s'ouvrir aux pays d'Europe orientale...

Cherchant à développer les liens entre les artistes et les institutions, Germinations participe dès le départ, dans son principe même, à cette volonté d'unification européenne. Germinations II, III et IV accueillaient les anglais puis les hollandais. A la demande de la division culturelle de la Commission des communautés européennes, Germinations V ouvrait ses portes aux autres pays membres et Germinations VI invitait la Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie.

Après cette longue marche de dix ans êtes-vous restés fidèles à vos postulats de base ?

Oui. Nous réalisons aujourd'hui seulement ce que nous désirions au départ : donner l'occasion à de jeunes artistes de faire leurs premiers pas professionnels, en travaillant ensemble, en exposant leurs oeuvres en commun, en rencontrant le public et les spécialistes du marché de l'art. Nous en avons actuellement les moyens grâce au soutien financier de la Communauté, des pays partenaires, et à l'appui logistique et administratif de l'OFAJ. Certes, par le biais de la sélection nous cherchons à réunir les meilleurs artistes, mais nous insistons sur l'authenticité de leur désir de participer, de coopérer à l'établissement à l'échelle européenne d'une sorte de réseau artistique à la fois informel et institutionnel.

Et l'avenir ?

Germinations, depuis le début a adopté une formule évolutive. A la lumière des éditions précédentes, le comité de coordination réunissant un représentant de chacun des pays, fait de nouvelles propositions, en accord avec l'OFAJ qui assure le suivi administratif. Nous réfléchissons actuellement à une plus grande intégration ou implication des artistes dans les pays où se déroulent les ateliers. Nous aimerions à l'avenir qu'ils ne soient pas seulement le cadre dans lequel ils élaborent une ou plusieurs oeuvres en vue de l'exposition de clôture, mais plutôt qu'ils deviennent le thème de leurs réflexions et de leurs investigations. Nous souhaiterions que les artistes manifestent une profonde curiosité et un réel désir de comprendre le pays dans lequel ils sont accueillis et que les oeuvres réalisées ultérieurement soit le fruit des esquisses, observations, notes prises lors de leur séjour.


Propos recueillis par E. V.-Fraenckel, le 5 octobre 1992.