Art Contemporain et Patrimoines en Gresivaudan

  «Exposition et patrimoine : le Magasin ouvre ses portes»
Le Dauphiné Libéré (ed. Grésivaudan), Grenoble, 21 juin 2002, p. 10

Le Centre national d'art contemporain de Grenoble, organise cet été une manifestation artistique en Grésivaudan en collaboration avec la Conservation du patrimoine de l'Isère. L'inauguration aura lieu ce samedi à Allevard et à Fort-Barraux.

Du 23 juin au 1er septembre, une double exposition (à Allevard-les-Bains et à Fort-Barraux). intitulée "Art contemporain et patrimoines en Grésivaudan" est organisée par le Magasin, Centre national d'art contemporain de Grenoble, en collaboration avec la Conservation du patrimoine de l'Isère. Elle bénéficie du soutien de la Communauté d'intervention et d'aménagement du Grésivaudan et de son environnement (C.I AGE.). L'objet de cette manifestation est de passer commande à des artistes pour la création d'oeuvres originales.
Pour ce faire, ils sont invités à résider pendant une période plus ou moins longue en Grésivaudan et puisent dans ses patrimoines les matières nécessaires à la réalisation de leurs oeuvres. Il est vrai que le Grésivaudan est très étendu et riche d'une profusion de patrimoines propres à la création.
En partenariat avec les neuf communes de la C.I.A.G.E., le projet est d'abord développé sur deux sites spécifiques, Allevard et Fort-Barvaux, exemplaires par leur diversité et situés au pied de chacun des massifs montagneux délimitant le Grésivaudan. En effet, Fort-Barraux, planté au-dessus de la vallée, constitue un véritable observatoire des flux migratoires tandis qu'Allevard-les-Bains accueille, depuis longtemps, une population exogène de curistes et de skieurs.
Puis, ce même projet devrait embrasser, à l'automne, l'ensemble du territoire à travers ses paysages et ses patrimoines industriels.

Christophe Gonnet, Christophe Morin et Bruno Tanant à Fort-Barraux.
S'agissant du site de Fort-Barraux, les travaux présentés portent sur l'ensemble du site du fort, de son architecture et de son inscription dans le paysage. Ces travaux sont l'oeuvre de Christophe Gonnet qui définit son travail de la manière suivante : «depuis une dizaine d'années, mon travail explore le vaste champ de l'idée de Nature, interrogeant divers paysages et pins particulièrement ceux que produit le paysan. Mes sculptures, le plus souvent des installations de grandes dimensions, destinées à des lieux intérieurs, se caractérisent par leur fragilité, leur équilibre… »
Autre artiste installé à Fort-Barraux est Christophe Morin qui a suivi la formation de l'École d'art de Nantes au sein de l'option design. Son intervention à Fort-Barraux qu'il réalisera début juillet part de l'idée suivante «ce que j'envisage de conduire sur le site est une attitude en réaction à son immobilité.
C'est pour moi une donnée forte de ce lieu placé en retrait, ou plutôt en rehaut de l'activité galopante du fond de la vallée. Cette immobilité, je la perçois aussi dans la masse d’un minéral organisé qui s'effondre par bribes et suivant un long mouvement de désagrégation.
»
Enfin, Bruno Tanant sera le Parisien de la troupe. Il est paysagiste. Et son concept pourrait être ainsi énoncé : «il s'agit de travailler la fusion et la rencontre d'événements multiples et éloignés, d'émotions qui ne se rencontreraient peut-être jamais, de géométries contraires pour conduire ce travail à Fort-Barraux vers une forme d'abstraction soigneusement organisée où se bousculent pêle-mêle horizons, personnages et objets accumulés en série.»

Les photographies de Laetitia Bénat et Guillaume Janot à Allevard.
Elle aussi de Paris, Laetitia Benat réalise, depuis 1996, des vidéos mettant en scène ses proches dans des espaces intimes et des photographies dont les destinations sont multiples, exposition, reportage, mode ou publicité. Elle cadre ses sujets de près, en retient des fragments, des détails. Elle a vécu dans l'hôtel des thermes d'Allevard juste avant l'ouverture au public. Pour l'essentiel, elle y a photographié ce qu'elle voyait à travers les vitres de sa chambre ou à partir de son balcon.
Elle y montre des détails des thermes, l'atmosphère d'un lieu désert, suspendu dans le temps, vide de toute action, en attente de son imminente "réoccupation". L'ensemble n'est pas sans évoquer le climat du film "l'année dernière à Marienbad" et le lieu où Marguerite Duras, qu'elle affectionne, a vécu à la fin de ses jours.
Pour sa part, Guillaume Janot produit des photographies après des études à l'École d'art de Nancy où il s'est essentiellement consacré à la peinture et à la sculpture. Mais, il n'est ni peintre ni sculpteur. Il est un photographe dont l'espace et le lointain souvenir de son intérêt pour la sculpture sont évidemment perceptibles dans les accrochages de ses oeuvres et dans la non-standardisation des formats de ses photographies.
Guillaume Janot a résidé à Allevard-les-Bains après la réouverture des thermes. Il y a sélectionné un certain nombre de sujets qui alternent portraits et paysages, une traversée des genres. Et l'ensemble ne constitue pas une série mais une mosaïque correspondant à une "découverte, à une pratique plutôt touristique des lieux. "

Le témoignage du Grésivaudan.
À Fort-Barraux, les artistes ont utilisé le paysage et ses constituants matériels et visuels, leurs projets se nourrissant du bâti actuel, du site, de son plan... alors qu'Allevard-les-Bains et l'enceinte de ses thermes ont été livrés à deux artistes qui utilisent la photographie, restituant des images de ses bâtiments et des détails, en saison morte, de ses populations et de ses paysages.
Les patrimoines du Grésivaudan ont ainsi alimenté le travail des artistes, un travail qui, à son tour, va participer du patrimoine. Et, si d'une certaine manière, les oeuvres portent le témoignage du Grésivaudan, elles le font à l'intérieur de la question de l'art et ouvrent, par ce biais, le Grésivaudan sur une dimension plus large que les frontières de sa géographie.