Art Contemporain
et Patrimoines en Gresivaudan
«Art contemporain et patrimoines»
Sortir (supp. DL), Grenoble, 3 juillet 2002, p. 8
Cinq artistes, deux photographes à Allevard et trois plasticiens à
fort Barraux ont frotté leurs regards (contemporains) aux traces du passé.
Les installations de Christophe Gonnet ne sont pas insensibles au poids de l'histoire
militaire du Fort.
On ne le voit pas tout de suite. Il faut lever les yeux. Pour deviner sa silhouette
se dessiner sur la colline. Figé dans son silence, un peu hors du temps,
le fort Barraux se dresse. Entouré de murailles, il abrite un passé
turbulent fait de combats, de sièges… Le soleil brûle ses
vieilles pierres chargées d'histoire. C'est là que Christophe
Gonnet a posé son regard de jeune plasticien. Il l'a frotté à
ce site patrimonial fort de la vallée du Grésivaudan. Une opération
initiée par le Magasin (centre national d'art contemporain) avec le soutien
de la Conservation du patrimoine en Isère et de la Ciage. De fort Barraux
à l'ancien Casino d'Allevard, cinq artistes éclairent d'une lumière
nouvelle ces empreintes du passé. En ordre serré, calées
dans un fossé à l'entrée du fort, 100 brouettes ont pris
place. Chacune accueillant un jardinet, un peu kitch, réalisé
par la population. Plus loin, sur une des lunettes, 250 m2 d'acier rongés
petit à petit par la rouille. L'artiste de Saint-Julien-Molin-Molette
(Loire), n'est pas resté de marbre devant l'immensité du site.
"La première fois que j'ai vu le fort j'ai été frappé
par la friche, par cette nature agressive". Ce sentiment de lutte entre
le fort et la friche, Christophe Gonnet va l'explorer dans l'une de ses installations.
Et d'observer de plus près dans les interstices des joints, l'herbe s'immiscer.
"Je voulais mener une action qui soit contraignante pour la friche en la
quadrillant de morceaux d'acier. C'est une lutte entre le métal et le
végétal, mais à la fin il n'y aura pas de vainqueur. L'intérêt
pour moi c'est de trouver un processus de dialogue entre les deux. Les tourniquets
qui arrosent les plaques sont comme des mitraillettes. Ils ne tirent pas pour
tuer mais pour arroser". Des carrés qui ne vont sans rappeler plus
bas dans la plaine, les champs. "Le champs, la parcelle cultivée
c'est une image récurrente de ma production" dit, cet artiste aux
origines paysannes. Qui commence par des études d'électronique
avant de faire les Beaux-Arts et de s'intéresser au patrimoine paysager.
L'outil du jardinier, la brouette, s'est imposé à lui comme une
évidence. "Elle fait partie du paysage du paysan. Un outil qui a
quelque chose d'humain, on sent le poids du corps. Mais, elle a aussi un côté
guerrier. Avec sa roue unique, sa couleur verte, son aspect camouflé.
L'ensemble est recomposable et déplaçable dans différents
lieux des fortifications et met ainsi en relation l'esthétique du jardin
avec celle des plans de campagne militaire" commente l'artiste.
A ses côtés, Bruno Tanand invite le visiteur à découvrir
à chaque installation un point de vue du site ou du paysage. Dans la
casemate, six chaises longues posées devant une meurtrière. "Chacune
propose une lumière différente, des contrastes et une végétation
spontanée différente". Christophe Morin devrait rejoindre
le fort au début du mois de juillet pour travailler à son tour
sur le site. Ensemble, ils proposent de regarder autrement. En utilisant le
patrimoine comme un vecteur d'approche de l'art contemporain.
Eu. M.