Oops
«“Oops”, met en jeu les stratégies du regard»
24 Heures, Lausanne, 31 octobre 1998
A Lausanne, l'Espace d'art contemporain vous met des mirages plein les mirettes.
C’était l'époque où la peinture faisait tourner les
têtes : illusions d'optique, effets de moirage, scintillements de ligne
ou perspectives qui reculaient et avançaient alternativement, les tableaux
de Vasarely, Bridget Riley ou François Morellet, pourtant parfaitement
immobiles, semblaient gagnés par la danse de Saint-Guy. Aujourd'hui,
l'histoire de l'art fait un peu l'impasse sur l’op'art et l'art cinétique
des années soixante, jugés trop joyeux, trop ludiques et trop
vite récupérés par le graphisme, la pub et la mode. C'est
précisément ce qui les rend intéressants aux yeux des jeunes
historiens de l'art Lionel Bovier et Christophe Cherix.
Un peu plus de trente ans plus tard, ils lui dédient, non pas une rétrospective
historique, mais un clin d'oeil complice qui juxtapose les oeuvres de trois
artistes de l'époque et quatre d'aujourd'hui qui, occasionnellement,
recyclent à leur manière leurs stratégies du regard. Après
Grenoble et son Magasin qui en sont coproducteurs, c'est l'Espace d'art contemporain
de Lausanne, l'elac, qui accueille «Oops», dont le titre, composé
à partir d'une série de toiles de Francis Baudevin, est bien dans
le ton de l'exposition. Les lignes s'y mettent en mouvement dès que vous
les regardez, des miroirs convexes ramassent en eux toute la galerie et la multiplient
dans leurs absidioles réfléchissantes, un vélodrome ondule
en noir et blanc à travers tout l'espace, les couleurs papillotent et
vibrionnent et une curieuse créature d'alu froissé rampe silencieusement
de-ci, de-là : John Armleder, Francis Baudevin, Robert Breer, Dadamaino,
Julio Le Parc, Michael Scott et John Tremblay ne sont pas réunis ici
sous la bannière d'un mouvement ou d'une idéologie. Ils n'ont
en commun qu'une curiosité inventive à l'égard des processus
de la perception, une attitude ludique qui ne se prend pas trop au sérieux,
le goût de la participation active du spectateur et un passeport de libre
passage entre les genres et les styles.
Françoise Jaunin