18/20 - La fin du XVIIIe siècle et aujourd'hui
"Passages de la modernité"
Magazine l'Oeil, Paris, octobre 2004, p.40
En raison de sa fermeture pour rénovation, le Magasin mène
une existence nomade (cf. L'OEil n° 560). Après le Mamco de Genève
cet été, c'est désormais au tour de l'ancien musée
de peinture de Grenoble d'accueillir une exposition d'un des centres d'art les
plus dynamiques de France. Dans «18/20 : la fin du XVIIIe siècle
et aujourd'hui », où sont confrontées des oeuvres des deux
époques, il s'agit de questionner une modernité transhistorique.
Proposition intéressante quand on ne cesse de sonder ses origines : débute-t-elle
de manière concomitante aux revendications politiques des Lumières
ou au milieu du XIXe siècle, tel qu'on le considère généralement?
Si une vision postbaudelairienne veut que le dénominateur commun des
différents récits modernistes soit à la fois thématique
(montrer la vie de son époque) et sémiotique (organiser un système
de symbolisation en rupture avec le classicisme), l'art dix-huitièmiste
tardif peut être vu comme déjà empreint de ces deux aspects.
Nul hasard d'ailleurs à ce que la critique d'art apparaisse à
la même période, dans un contexte de globalisation des signes,
avec Lafont de Saint-Yenne autour de 1750 et a fortiori, à peine
quelques années plus tard, avec ces archéo-modernistes que sont
Diderot et les romantiques allemands. À Grenoble, c'est un principe de
juxtaposition thématique qui a été choisi: les notions
d'intimité et d'individualité sont ainsi mises en exergue par
des portraits du XVIIIe siècle et par une toile de Jouy pastorale sur
laquelle est présentée une peinture de Charles-Amédée-Philippe
Van Loo, en regard de photographies de Nan Goldin, de Thomas Ruff et de Rineke
Dijkstra. De la même manière se retrouvent dans l'exposition les
idées d'universalité, d'exotisme et d'un passage du temps qui
nous mène des peintures de ruines de Jean-Baptiste Féret à
On Kawara. Ne reste plus qu'à rêver que cette proposition dépasse
un jour le stade de la « maquette » et devienne une exposition plus
vaste qui permettrait de mieux saisir en quoi la postmodernité n'est
pas encore si éloignée que cela des balbutiements modernistes.
Frédéric Maufras