Vraiment féminisme et art
A Grenoble, femmes protagonistes
L'Arca International,Paris,
n°13, mai 1997, p. 99
A une époque où l'on assiste à de grands bouleversements
politiques, des revendications sociales de groupes traditionnellement marginaux,
à l'inversion des rôles et à la remise en cause des valeurs
institutionnelles, l'exposition "Vraiment Féminisme et Art",
en place au Magasin de Grenoble jusqu'au 25 mai, fait le point sur les rapports
entre mouvement de libération des femmes et art contemporain. Le thème
aborde un aspect, quelquefois injustement mis en marge, qui s'est développé
parallèlement et conjointement aux profonds bouleversements qui, de 1970
à nos jours, ont inconstestablement scandé l'évolution
du rôle de la femme, tenant compte de ses limites et de ses expressions
les plus extrêmes. Trente artistes de notre temps, réunies sous
la houlette de Laura Cottingham, critique d'art américaine et commissaire
de l'exposition, nous offre un panorama stimulant du rapport entre féminisme
américain et français, des années soixante jusqu'à
la moitié des années quatre-vingt-dix. Pourquoi ce binôme,
alors que le mouvement de libération de la femme s'est développé
également dans tous les grands centres urbains très industrialisés
- de l'Angleterre à l'Allemagne, au Danemark, à l'Italie et l'Espagne
sans oublier le Canada ou le Japon? Le choix est justifié par le type
de rapport privilégié qui s'est instauré entre la France
et les Etats Unis grâce à l'influence décisive qu'eut un
des fondements des théories féministes nées à la
fin des années soixante.
L'ouvrage de Simone de Beauvoir, Le second sexe, a en effet été
défini la "Bible" du féminisme américain puisque
sa parution, en 1957 en langue anglaise, n'a eu qu'en 1970, à cause
de la convergence sur ce front des forces sociales et politiques, un impact
d'une portée vraiment exceptionnelle sur l'évolution du mouvement
de libération de la femme, lequel, surtout aux Etats Unis, assista à
la formation d'un mouvement artistique tout aussi important. L'American Feminist
Art Movement créa alors neuf écoles, fonda des galeries alternatives
sous la forme de coopératives, lança des nouvelles revues et élabora
des stratégies esthétiques pour sensibiliser le monde de l'art
à la nouvelle conscience féministe. Ce phénomène
se répercuta, sous une forme un peu moins envahissante, en France et
en Europe. Il n'en reste pas moins vrai que le féminisme influença
largement le monde artistique tant nord-américain qu'européen,
en imposant, sur le plan sociologique, la femme dans l'art et remettant
en question, sur le plan esthétique, les traditions artistiques
les plus consolidées.
L'exposition confronte quelques unes des principales oeuvres de deux générations
d'artistes.
La première qui s'est affirmée dans les années Soixante
et dont l'activité se concentra principalement sur la redécouverte
de l'identité et de l'expérience féministe caractérisée
par la tendance à la réhabilitation du travail des femmes
et l'exploration de la sphère sexuelle, remettant en cause les stéréotypes.
La deuxième, qui s'est développée dans les années
Quatre vingt-dix, et qui en revanche reflète la flexibilité des
découvertes féministes avec une force et variété
de langages qui n'a rien à envier aux nouvelles tendances. Pour la première
fois en France, le Magasin de Grenoble est le promoteur d'une exposition qui
fera la lumière sur un monde - celui de la femme - qui a traversé,
en ces dernières trente années, l'une des plus profondes révolutions
sociales et culturelles, influant d'une manière non négligeable
sur l'évolution de la civilisation contemporaine.