Vraiment féminisme et art

 

Féminité... féminisme ou l'art d'être artiste femme
Beaux-Arts Magazine, Paris, avril 1997, p. 29

Dénoncé pour être régi par un ordre patriarcal dominateur, l'art fut l'un des domaines où se cristallisa le mouvement international féministe. L'exposition «Vraiment féminisme et art» montre comment l'identité féminine - en tant qu'essence ou à travers sa représentation culturelle s'est exprimée aux Etats-Unis et en France, hier et aujourd'hui. La tradition féministe et les pratiques artistiques revendiquées comme telles restent en effet fortement présentes aux États-Unis. Depuis les années 70, des femmes n'ont cessé, là-bas, de penser ce mouvement dans sa diversité et sa différence: Womanhouse, Martha Rosier, Adrian Piper, Lorraine O'Grady, Polly Apfeibaum... En France la qualification d'«art féministe» n'a pratiquement jamais été retenue - et a plutôt été rejetée - alors que certaines oeuvres concouraient, au même moment, à une nouvelle approche de la féminité avec Niki de Saint-Phalle, Annette Messager, Gina Pane, Orlan. Le «French Feminism», dont il est souvent question, demeure le fait d'intellectuelles comme Julia Kristeva ou Hélène Cixous, dont les écrits alimentèrent fortement le vif débat anglo-saxon. Parmi les multiples vidéos, performances ou représentations picturales présentées à Grenoble, la citation du corps semble guider le choix des oeuvres retenues. Première du genre en France, après une tentative avortée au musée d'Art moderne de la ville de Paris en 1977, cette exposition comble un vide certain. Elle permet de mieux connaître les différentes acceptions du féminisme américain et ses limites, mais aussi de redécouvrir, en l'envisageant sous un autre angle, le travail de certaines artistes en France (Tania Mouraud, Martine Aballéa, Nil Yalter, Dorothée Selz, etc.) et, par là même, de prendre conscience d'une actualité insoupçonnée (ill. M. Rosler, Hairdressers', Moscou, 1994, © Jay Gorney Modern Art, New York).

CHRISTOPHE DORNY