Lothar Hempel Alphabet City


 

«Franck Scurti»
Muteen, Paris, Avril 2007,p.126-127

Il remixe la vie avec beaucoup d'humour, du second, voire du troisième degré. Talentueux et éclectique, il s'attaque à tous les supports (vidéo, sculpture, photo...). Pour l'expo What is public sculpture ? au Magasin de Grenoble, il a habillé l'espace de la Rue de sculptures et de murs tagués en négatif.

Vous vous inspirez souvent de codes et signes urbains? Je travaille sur ce que je perçois du quotidien. Je réfléchis autour de la notion de perception, de la façon dont le signe circule dans la société, sa distorsion, sa récupération.

Qu'est-ce que chaque médium vous apporte? La forme plastique naît telle une évidence. J'appréhende l'art comme la vie, de manière naturelle à partir d'idées et des enjeux qu'elles véhiculent (artistiques, de sens...). C'est assez intuitif finalement.

Le style Scurti? Il n'y en a pas. Je n'imagine pas les gens se dire "Tiens, c'est du Scurti". La plupart des artistes contemporains travaillent sur l'idée du style; moi je me plais à brouiller les pistes. L'important, c'est la liberté d'action. J'aime la phrase de Picasso "Je ne cherche pas, je trouve". Et les artistes qui ont cassé leur logique de production comme Francis Picabia ou Pistoletto. Pour moi, l'identité est liée au marché de l'art.

Les médias sont présents dans votre travail, pourquoi? Je m'en sers si j'y retrouve quelque chose et que je crée une métaphore artistique. Dans Coïncidence du 16 avril 2003, j'ai été surpris par les titres des journaux: ce sont les mêmes pour évoquer deux choses différentes (Bush et les prisons, ndlr). Et cette expression "fuite en avant", on ne comprend pas vraiment ce que ça signifie, on transmet une info vide de sens.

Pourquoi un titre anglais pour cette exposition? Le titre naît à la fin du projet, souvent en anglais parce que j'expose beaucoup à l'étranger. J'ai voulu que ce soit une interrogation parce que je trouve ça plus drôle et surtout parce que j'apporte ma propre réponse à cette question. Pour moi, la sculpture publique a souvent une forme plus ou moins abstraite et finit la plupart du temps taguée. L'espace du Magasin offre la possibilité de déambuler comme un flâneur dans la rue. J'ai imaginé un lieu où sculptures et bas-reliefs se répondent.

D'où vient l'idée de présenter des sculptures et murs tagués en creux? Depuis un an, j'avais envie de travailler sur la notion de sculpture publique. Celles du quai Saint-Bernard à Paris m'ont donné l'idée de créer des sculptures déjà taguées, avec des inscriptions en creux à la manière des empreintes de la grotte de Lascaux. Quant aux tags, ce sont des copies de ceux qui existent dans la rue. À l'époque de Lascaux, il y avait déjà des copies d'empreintes. C'est aussi un travail sur l'identité, l'affirmation de l'individu. Ce qui m'intéresse dans cette expo, c'est à la fois d'avoir conçu l'espace comme un parc de sculptures et l'évolution, voire la récupération du signe. Pareil pour les sculptures, je les ai conçues de manière à ce qu'elles évoquent des courants artistiques sans que ce soit de "bonnes pièces". Ce sont des "à-peu-près", il y a un écart dans le genre.

Que voudriez-vous que l'on retienne de vous? Que je suis libre. Je fais tout pour être libre et pour ça, il faut beaucoup travailler! C'est paradoxal... Je ne fais pas du spectacle, je ne suis pas un animateur socioculturel non plus, je fais tout simplement de l'art du mieux que je peux. Je suis un individu qui offre un propos à un autre individu.

Alexandra Boucherifi