John Miller
«Miller et Isermann, deux visages de l’Amérique»
Le Dauphiné Libéré, Grenoble, 8 juin 1999, p.6
John Miller et Jim Isermann ont en commun leur nationalité, ils sont
tous deux Américains, et leur formation : le prestigieux California Institute
of Arts de Valencia.
Mais la comparaison s'arrête là, ils représentent deux orientations
différentes de l'art américain. Dès leur arrivée
au Magasin, les visiteurs sont confrontés à l'oeuvre créée
spécialement pour la "Rue" par Jim Isermann. Il se situe dans
la continuité d'artistes aussi différents que Pistolleto, Richard
Long ou Vilmouth qui, tous, avaient conçu pour cet espace très
particulier des oeuvres monumentales et éphémères qui restent
gravées dans notre mémoire. La "Rue" avec ses dimensions
exceptionnelles (900 M2 de surface et 21 m de hauteur) a de quoi effrayer les
artistes.
Jim lsermann a pris les murs comme support, les recouvrant d'une succession
très étudiée de 2319 motifs géométriques.
Déclinant, à l'aide d'un ordinateur, des combinaisons à
partir de 6 motifs de base et de 6 couleurs, il nous entraîne du chaud
au froid. Ces motifs évoquent le design américain des années
60, une continuité dans les recherches de cet artiste qui, depuis ses
premiers travaux, exploite les relations complexes qui existent entre art, design
et décoration. On peut être plus ou moins sensible à ce
genre de travail mais Isermann a su instaurer un dialogue subtil avec un espace,
où les oeuvres ont du mal à s'imposer.
Les salles des galeries accueillent la première rétrospective
de John Miller qui vit et travaille à New York mais entretient une relation
particulière avec l'Allemagne et notamment Berlin. Une information en
forme de clin d'oeil qu'a livrée Yves Aupetitallot, directeur du Magasin
et co-commissaire de l'exposition avec Lionel Bovier, au moment où le
musée de Grenoble va présenter les oeuvres de la Berlinische Galerie.
Le parcours se veut plutôt thématique que chronologique, privilégiant
les correspondances entre des oeuvres de nature et d'époque différentes.
"J'essaie", dit John Miller, "de concevoir des oeuvres d'art
dans une optique davantage sociologique que formelle."
D'où la perplexité parfois du visiteur qui, s'il veut comprendre
vraiment le propos de l'artiste, doit obligatoirement se munir d'un mode d'emploi.
Il faut toujours aller au-delà des apparences.
Par ses peintures aux sujets issus du quotidien, ses installations mettant en
scène l'univers impitoyable des jeux télévisés,
il met en lumière les stéréotypes de la culture et de l'art
américain avec un certain cynisme. Ses reliefs et sculptures enduits
d'une rebutante peinture marron prennent une valeur de manifeste.
Ses photographies donnent à voir quelque chose d'absent et, quand il
recrée un cabinet de dessin, ce n'est pas pour mettre en valeur ses réelles
qualités de dessinateur mais pour jouer avec l'absurde et une "pear
Ubu" plus vraie que nature…
Sylvie Perrard