Le Procès de Pol Pot

 

«Un procès verbal»
Beaux Arts , Paris, décembre 1998, p. 43

C'est la panique au Magasin : personne n'est capable, quelques jours avant le vernissage, de dire ce qui sera vu par les spectateurs durant l'exposition de Liam Gillick et Philippe Parreno. La preuve que leur projet fonctionne déjà : poser le doute comme producteur de formes, faire de l'exposition un moment d'investigation plutôt que la présentation de conclusions. Un procédé que les deux artistes ont déjà expérimenté, en novembre 1995 au Consortium de Dijon, avec «Moral Maze» (labyrinthe moral), du nom d'une émission de la BBC où les gens étaient invités à venir s'expliquer.

Le point de départ, c'est un titre que les artistes eux-mêmes disent avoir souhaité «inacceptable» : «le Procès de Pol Pot». Ils ont écrit un long texte, qu'ils ont communiqué à divers artistes : Carsten Höller, Pierre Joseph, Rirkrit Tiravanija, Douglas Gordon, Jeremy Millar, Thomas Mulcaire... Il ne s'agit pas pour autant d'une traditionnelle exposition de groupe. «Au lieu d'inviter les artistes, nous leur avons demandé de nous superviser», dit Liam Gillick. Ainsi l'exposition se construit-elle dans un va-et-vient permanent entre les «solutions» proposées par les deux artistes et les «objections» formulées par ce groupe de superviseurs. Dans l'espace très légèrement corrigé du Magasin (lumières modifiées, espaces insensiblement restructurés), les pensées des uns et des autres s'étalent sur les murs comme sur des pages. «Une des solutions proposées est de faire coïncider parfaitement l'exposition et le catalogue», dit Gillick. Le spectateur déambule entre les phrases et les schémas, visiteur d'une sorte de cerveau collectif. L'ensemble est un peu compliqué mais que l'on se rassure : tous les samedis, au Magasin, on pourra assister à un spectacle de marionnettes destiné aux enfants, qui explique tout cela de façon très abordable!

Eric Troncy