Doug Aitken


 

"Doug Aitken"
Les Inrockuptibles, Paris, 30 oct. - 5 nov. 2002, p.7

Très attendue, la première expo perso de Doug Aitken ne parvient pas à décoller. Nous non plus. « Enfin nous l’avons vu ce fameux tableau ! », s’exclame Diderot dans je ne sais plus quel salon. Et d’ajouter aussitôt : « Ô mon ami, la mauvaise chose ! »
La déception fait partie de la vie quotidienne des amateurs d’art, des cinéphiles et des écouteurs de disques. Elle n’est pas tant, d’ailleurs, une posture mélancolique qu’une modalité de la critique, permettant de rabattre les excitations légères, les effets de mode ou d’annonce, de s’exercer à la continuelle réévaluation des artistes et de leur notoriété. Et c’est un peu ce qui arrive au Californien Doug Aitken, puisque après avoir éberlué la Biennale de Venise en 2000 avec l’installation Electric Earth, il déçoit coup sur coup dans la même semaine : dans l’expo Sonic Process, au Centre Pompidou, il montre un film sans grand intérêt, high-tech à souhait, avec une jeune héroïne japonaise dans une version écourtée et clippée du Millennium Mambo de Hou Hsiao-hsien. Pourtant, la salle de cinéma était belle, avec son écran ovale à multiples facettes, et l’on apprécia en Doug aitken sa capacité à construire des dispositifs, des architectures de cinéma.
Bien que conçue comme une piste d’envol, avec une installation lumineuse, facile mais bleue, en forme de piste d’aéroport, et nous invitant à une élévation spirituelle improbable sur fond d’idéologie indiana-new-age, son expo «Rise» au Magasin de Grenoble ne décolle pas vraiment. Reste quand même la plus dure, mais aussi la plus persistante de ses installations, These Restless Minds, cercle magique de moniteurs télé où, par leur débit rapide et litanique, les vendeurs aux enchères deviennent les néochamans de l’Amérique d’aujourd’hui. Comme quoi Doug Aitken n’est jamais aussi bon que lorsqu’il renonce à sa capacité spectaculaire et à sa virtuosité de faiseur d’images.

Jean-Max Colard