Doug Aitken


 

"Le dessous des cartes",
Le Journal des Arts, Paris, 8-21 novembre 2002, p.6

Le Centre d’art du Magasin accueille Doug Aitken, jeune prodige américain de l’art vidéo, Doug Aitken bénéficie, trois ans après sa consécration à la Biennale de Venise, de sa première exposition monographique en France. Impressionnante, la série de travaux présentée montre un artiste appliqué à chercher de nouvelles voies pour rendre compte d’un paysage contemporain sans cesse remodelé par des mouvements et des flux.

Des rues électriques et congestionnées, ou plutôt des flux déversés dans une métropole qui se met à ressembler à un circuit imprimé, strient le Los Angeles nocturne saisi par Doug Aitken dans Rise (1998-2001). " Vues du ciel, les villes ressemblent à des explosions des impacts illuminés ", explique-t-il.
(…) le jeune artiste américain utilise, aussi bien la photographie ou l’installation que la vidéo, même si c’est dans ce dernier domaine qu’il donne sa pleine mesure. Parmi les six pièces présentées au Magasin de Grenoble, première institution française à lui consacrer une exposition, These restless minds (1998) est une des plus programmatiques de sa démarche. Au centre d’un court film diffusé sur trois moniteurs suspendus à une structure circulaire, les " esprits sans repos ", sont ceux d’auctioneers américains à la diction vertigineuse. Mais, dans leur bouche, la litanie habituelle des chiffres fait place à la description littérale de l’espace qui les entoure : un parking, un escalator de centre commercial vide ou un recoin d’architecture vitrée, autant de " non-sites " qui, par la simple parole, se chargent d’un bouillonnement ambiant. (…)

(…)
[I am in you] Sur cinq écrans, des séquences successives s’attachent à la psyché précaire d’une petite fille. " You’ve got to run as fast as you can all the time " (Tu as à courir aussi vite que tu peux tout le temps), " You can’t stop " (tu ne peux t’arrêter) sont quelques-uns des mots d’ordre susurrés par l’enfant. Sans violence, ces jeux renvoient aux structures de la cabane en bois qui enferment le visiteur. Les claquements des mains donnent une mesure hypnotique, et la lueur d’une bougie, une boucle de Bach interprétée par Glenn Gould, des dessins de rosaces ou une voiture sans conducteur se succèdent comme autant de mouvements ou de nappes mentales entrelacés. (…)

Olivier Michelon