Doug Aitken


 

"Lonesome cow-boy",
Technikart, Paris, décembre 2002, p.118

A Grenoble, Doug Aitken immerge ses vidéos dans une expérimentation inédite des grands mythes américains.
Tout commence par une vue aérienne nocturne d’un paysage urbain s’étendant à l’infini. Bien qu’on reconnaisse le quadrillage orthogonal des rues de Los Angeles, le scintillement des routes donne un aspect spectral à cette représentation iconique. Comme le promeneur du tableau de Gaspard Friedrich, contemplant du haut d’une montagne une étendue infinie de nuages, la photographie de Doug Aitken, exposée au Magasin de Grenoble, nous entraîne dans une réflexion métaphysique quant à notre place dans le monde. Qualifiées souvent de " new age ", les installations vidéos complexes de l’artiste américain créent un processus étranger de communion avec le monde extérieur, laissant toujours le spectateur groggy. Dans " These Restless Minds " (1998), le rythme speedé des litanies de commissaires-priseurs du Midwest semble fusionner avec une succession hypnotique de paysages grandioses et désolés de l’Amérique profonde. Une communion mystique de l’être avec son environnement qui n’est pas sans rappeler le lyrisme mélancolique de " la Ballade sauvage ", le film culte de Terrence Malick. L’installation " I Am in you " (2000) développe cette vision proprement américaine du monde. Un dispositif complexe de cinq projections vidéo nous immerge dans la psyché d’une petite fille. Le défilement irrationnel d’images, d’instants vécus ou fantasmés, souligne la solitude de l’être face à la complexité de monde. La vision étrange d’un mobile home transporté par un camion, scandée par les réflexions de l’enfant répétant inlassablement " You’ve got to run. You can’t stop ", nous plonge dans un autre mythe fondateur de la culture américaine : celui de la marche en avant comme seul moyen de survie.

Charlotte Laubard