Auto Reverse 2
"Auto Reverse 2 ou quand les artistes utilisent la vidéo"
Le Dauphiné Libéré, Grenoble, lundi 24 juin 1996
Tisser des liens avec d'autres disciplines, c'est l'une des missions
que s'est fixée Yves Aupetitallot en prenant la direction du centre
national d'art contemporain.
L'exposition qui a été inaugurée samedi par Michel Destot,
maire, est centrée autour d'un medium très utilisé par les
jeunes artistes, la vidéo, en est l'exemple.
Le projet a débuté il y un an à Genève par un séminaire
réunissant des artistes mais aussi des chercheurs, des psychologues, des
psychiatres. Et il se prolonge par un numéro spécial de la revue
de psychanalyse "Chimères".
Si la réalisation de cette exposition a mobilisé toute l'équipe
du Magasin ("c'est un travail collectif précise
Yves Aupetitallot) le projet a été conçu par une jeune
commissaire d'exposition indépendante, spécialisée dans
la vidéo, Stéphanie Moisdon Trembley.
Et de nombreux partenaires techniques (l'école nationale des beaux arts
de Lyon, l'école régionale d'art de Valence, l'école d'art
de Grenoble, le Musée dauphinois, le C.C.S.T., le musée de Grenoble,
le nouveau musée de Villeurbanne et la nouvelle galerie) et financiers
(la ville de Genève) ont contribué à l'exposition.
L'image mobile
L'image est au centre d'"Auto Reverse". Et si pour les psychiatres,
qui s'en méfient, elle est souvent synonyme d'illusion et de tromperie,
elle permet aux artistes de se mettre en scène et d'entamer le dialogue
avec le spectateur. Toutes ces oeuvres n'existent que dans la confrontation avec
l'autre. Peu à peu on oublie la technique, reste la surprise, l'angoisse,
l'humour, l'émotion, la dérision. On a aussi parfois l'impression
d'être un peu voyeur et de s'immiscer dans une vidéothérapie...
Mais cela aussi fait partie du jeu.
Quelques artistes, Campus, Naumann, Graham... les pionniers, qui ont utilisé la
vidéo dans les années 60, servent de référence.
Tous les autres participants (une trentaine) sont de jeunes artistes. De Marie-Ange
Guilleminot qui nous convie à mettre la tête dans une chaussette
pour accéder à son travail à Motti qui nous invite à prendre
rendez-vous pour nous allonger sur son divan, de Dominique Gonzalez-Foerster
et sa chambre bleue à Elke Krystufek et ses collages assez effrayants...
Le spectateur est constamment sollicité. Et il est parfois difficile de "rentrer" d'emblée
dans chaque univers.
"L'esthétique du narcissisme" thème de l'exposition,
recouvrant une série de démarches très personnelles.
Fiction et réalité
Les oeuvres de la Japonaise Mariko Mori, présentées dans la salle
des projets, nous offrent une évasion salutaire.
Mariko Mori qui est styliste et ancien mannequin se met en scène dans
les vêtements qu'elle crée. Un étonnant travail : les photographies
de très grand format sont impressionnantes (l'effet est encore renforcé par
le procédé "Crystal print"), le rapport entre fiction
(Maniko Mori est tour à tour héroïne de Manga, guerrière
urbaine...) et réalité (elle choisit toujours un contexte urbain)
est très réussi.
Pour cette exposition le Magasin a produit (avec divers partenaires dont le groupe
Nina Ricci) une photographie panoramique qui met en scène l'artiste installée
dans une capsule transparente, à l'arche de la Défense. Mariko
Mori se fait photographier dans toutes les capitales de la mode. Après
Tokyo, Londres et New York c'était au tour de Paris... La mise en scène
est futuriste, l'environnement lui est quotidien.
Sylvie Perrard