Auto Reverse 2


 

"L'artiste montre son nombril sur vidéo" (extrait)
Libération, Paris, mardi 20 août 1996, p.32

[...] Mais c'est dans les galeries, le troisième espace, que se tient l'exposition qui donne au reste sa tonalité:
l'organisatrice, Stéphanie Moisdon-Trembley l'a nommée Autoreverse. Un titre emprunté au processus même non de l'enregistrement mais plutôt de la lecture des bandes magnétiques. C'est aussi un élément du vocabulaire pédé des petites annonces de cul.
En consultation sont proposés les pionniers du narcissisme vidéographique, Vito Acconci, Bruce Nauman, Peter Campus... auxquels sont associés des oeuvres plus récentes. Exemple: les confessions masquées faites, devant la caméra de Gilian Wearing, par des gens recrutés grâce aux petites annonces. Ou bien l'angoissant casting dans une galerie d'art de femmes mannequins toutes identiquement habillées et perruquées (par Vanessa Beecroft). Ou encore l'invitation sur CD-Rom, par Dominique Gonzalez Foerster, à la visite d'une série de chambres de son Hotel Color, version informatisée des «théâtres de mémoire» du Moyen-Age. Reste à évoquer deux installations terrifiantes: celle, complètement régressive, d'images évanescentes dont la projection s'accompagne d'une voix infantile égrenant le refrain aigrelet d'une comptine: c'est le travail de Kristin Oppenheim, sorte de Mia Farrow (celle de Rosemary's Baby, celle de Cérémonnie secrète de Losey) de l'art contemporain. Ou bien encore: l'installation affreusement mélancolique de Hanspeter Ammann.
Trois écrans vidéo ont été respectivement placés l'un au pied d'un divan, l'autre face au fauteuil, remémoration d'une situation évidemment psychanalytique. Ces deux écrans-là montrent des images souvenirs, à peine mouvantes, d'un jeune homme regardant l'objectif. Le troisième écran est retourné de façon à ce qu'on le contourne pour y reconnaître les images du jeune homme et d'un autre amoureusement noués. L'inquiétant, c'est qu'on ne sait évidemment qui figure a l'image principale: l'autre ou soi, c'est toute la question.

Elisabeth Lebovici