Auto Reverse 2
"Le Magasin de Grenoble renaît et ouvre sa halle de verre à l'art
expérimental"
Le Nouveau Quotidien, Genève, jeudi 4 juillet 1996, p.18
Science, narcissisme et vidéo
L'an passé, la critique et commissaire indépendante Stéphanie
Moisdon-Trembley lançait à Saint-Gervais/Genève l'opération
vidéo Auto Reverse par un colloque. Conçu en triptyque, ce projet
se poursuit aujourd'hui par une exposition au Magasin à Grenoble. Suivra
enfin une publication dans la revue Chimères fin 1996. Auto Reverse
explore les rapports entre l'art et l'inconscient, entre la création et
la science.
Média de l'intime par excellence, la vidéo est utilisée
par les principaux artistes contemporains. Outil d'analyse, mais aussi prodigieux
jeu de miroir, elle permet d'entretenir avec le spectateur un rapport direct
de désir et casse ainsi la bulle qui a souvent isolé l'art contemporain.
Axée autour de ce média, l'exposition grenobloise propose un parcours
dense et souvent ludique à travers les psychés d'une trentaine
d'artistes, dont les oeuvres survolent vingt ans de création. Légère
et fragile - l'espace est occupé principalement par des écrans
-, elle présente quelques installations plus sophistiquées, dont
un psyroom du Genevois Gianni Motti. Au fil des semaines, cette reconstitution
parfaite d'un cabinet de psychanalyse permettra au visiteur de se confier à l'artiste
grâce au téléphone.
Autre installation marquante, celle de la Milanaise Vanessa Beecroft, 25 ans.
Plusieurs polaroïds agrandis de visages de femmes à l'expression
figée surplombent un écran où une bande vidéo suit
maladroitement des mannequins interchangeables, alignés et perdus dans
des vêtements gris et informes. Ces autoportraits fragmentés et
hallucinés de la jeune Italienne sont représentatifs de la nouvelle
génération d'artistes vidéo. Ils interpellent directement
le visiteur, le ramènent de manière obsessionnelle à son
rapport à l'intime, à une identité éclatée.
Michel Masserey