Andreas Dobler

 
"Dégoûts et des couleurs ?"
Le Petit Bulletin, Grenoble, 26 mars - 2 avril 2003, p. 4

En rentrant dans la galerie d’exposition du CNAC-Magasin, on est directement happé par un grand tableau, premier d’une longue série : dans une salle lisse aux couleurs sombres flottent deux masses gluantes et rugueuses. À sa façon, Drip Zone résume bien l’ensemble de l’exposition et déjà une grande partie des caractéristiques du travail d’Andreas Dobler. On y verra pêle-mêle son goût pour un certain hyperréalisme, doublé d’une attirance pour le surréalisme et les courants psychédéliques, son penchant pour la science-fiction, son mauvais goût (en partie revendiqué), l’absence de toute figure humaine et une obsession à la fois pour la perspective géométrique et les motifs aux formes irrégulières et hasardeuses. C’est à une espèce de rétrospective que nous convie le Magasin en présentant une cinquantaine des œuvres de cet artiste suisse allemand, couvrant plus de quinze années de travail et où l’on retrouve ses thèmes de prédilection. Soit en premier lieu, une série de grands paysages cosmiques, dessinés à l’encre sur papier ou tissu pour une sorte d’hommage à la science-fiction qui a bercé son enfance. Des paysages tirés de magazines de SF des années soixante, mais retravaillés (en supprimant toute référence à la civilisation) de façon à créer un espace de projection permettant au spectateur d’entrer dans le tableau plus facilement. Après, cela devient plus flou…
Esthétique eighties
Dans les deux salles suivantes, on se trouve face des paysages (dont le très beau Unfertige landschaft) des scènes purement figuratives et des peintures aux influences nettement surréalistes (Evil shelf, étagère flottante au milieu de nulle part sur laquelle apparaissent d’étranges formes molles).On est frappé par le mélange entre des techniques différentes qui présentent cependant très souvent une même utilisation pour un même effet. On voit aussi les premières traces du travail sur les couleurs d’Andreas Dobler. En fait, surtout pour lui une manière de tester le bon goût défini en histoire de l’art (et par la même d’en pousser les limites) et le sens de l’esthétisme de tout un chacun. Malheureusement pour les visiteurs, les limites du bon goût de Dobler sont visiblement plus étendues que la normale… On poursuit ensuite sur une série de tableaux mettant en parallèle diverses préoccupations de l’artiste : des questions fortes sur sa culture suisse (Graal, Die Vielfalt der Natur), une interrogation sur sa situation d’artiste (Musikraum) dans une atmosphère très eighties. Puis, on a droit à diverses compositions jouant sur la géométrie mise en opposition avec des formes irrégulières (Krylonit), des paysages de prospectus de vacances aux couleurs éclatantes, mais où toute trace d’activité humaine a été soigneusement effacée, des dessins aux motifs sombres et tourmentés, et curiosité très agréablement surprenante, une salle dédiée aux matériaux du peintre. Qui permet d’entrer de plain-pied dans sa façon de travailler, mais pas de comprendre réellement son travail, ni encore moins de l’apprécier.

Vincent E. Verlé