Jonathan Meese, Mama Johnny
"Comment les questions ricochent sur la tôle ondulée"
Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné, Grenoble, 24 au 30 novembre
2006,p.157
Face au tumulte médiatique, il s'est appliqué à la sobriété,
au silence même. Dans un lieu trop monumental pour ne pas impliquer l'artiste
qui s'y colle, il a imaginé une seule oeuvre, mais qui envahit tout l'espace
et épouse étroitement ses contours. Cette vaste vague ondoyante
en tôle ondulée est la «vision allégorique»,
que Kader ATTIA a voulu retenir du tsunami, qui ravagea les côtes de l'Asie
du Sud-Est en décembre 2004.
Par son figement, sa mutité, cette oeuvre convie au recueillement; puis,
dans un second temps, elle oblige au questionnement. La tôle ondulee renvoie évidemment
aux toitures des maisons du Tiers-Monde; dès lors, les interrogations
s'enchaînent et ricochent: pourquoi cette catastrophe naturelle at-elle
touché des pays sous-développés ? Du reste, cette catastrophe
est-elle vraiment naturelle ? Quel rôle le dérèglement climatique
y a-t-il joué? Quelles responsabilités les pays industrialisés
ont-ils dans ce dérèglement ? Et, du coup, nos larmes ne sont-elles
pas de crocodile ?
En dépit de sa force esthétique et de son rendu irréprochable,
l'installation de Kader ATTIA développe donc une dimension politique peu
courante dans l'art contemporain, plutôt prompt au «dégagement» et à l'indifférence.
Et si l'artiste conçoit ses oeuvres comme des «images mentales»,
on dira que celle-là (qui met la peine à distance, sans en faire
le deuil) allie jusqu'au vertige beauté et pathétisme.
Jean-Louis Roux