Allen Ruppersberg
"Mais où est Al? Seul Ruppersberg le sait"
Tribune de Genève, Genève, n° 250, 26/27 octobre
1996, p.37
Pour sa véritable reprise, le Magasin présente Allen Ruppersberg
et son «Where's Al?».
Une réussite à mettre à l'actif du nouveau directeur Yves
Aupetitallot.
L' exposition que consacre Le Magasin de Grenoble, Centre national d'art contemporain, à l'artiste
californien Allen Ruppersberg vient à point nommé. Non seulement
pour l'artiste, qui se voit offrir ici sa première «rétrospective» en
Europe (même si le terme est, en regard de sa démarche, mal adapté),
mais aussi pour l'institution elle-même. Elle prend là son véritable
essor entamé depuis sa reprise par Yves Aupetitallot.
Si le travail de Ruppersberg s'inscrit dans l'histoire de l'art conceptuel,
ce n'est que récemment, grâce à l'intérêt
porté par une nouvelle génération d'artistes, qu'il est
parvenu à s'échapper des parenthèses dans lesquelles l'art
des années 1980 semblait le confiner. Ce n'est donc pas un hasard si,
avec cette excellente exposition, le visiteur peut découvrir simultanément,
dans les espaces adjacents de la Rue et des Projets, un «hommage» de
Paul McCarthy à trois artistes quelque peu oubliés des années
1960 et plusieurs oeuvres de deux jeunes artistes européens, Maurizio
Cattelan et Joep van Lieshout. Il n'est pas fortuit non plus que la manifestation,
intitulée «Where's Al?», précède de quelques
mois celles de deux Français d'une trentaine d'années, Dominique
Gonzalez-Foerster et Philippe Parreno, qui reconnaissent volontiers leurs dettes à l'égard
de la décennie soixante.
L'exposition grenobloise emprunte son titre (aux sonorités californiennes) à une
oeuvre de 1972 qui, au moyen de fiches et de photographies instamatiques, construit
une courte histoire autour d'un personnage nommé, à l'instar
de l'artiste, Al. Plusieurs discours se croisent ainsi sur la question du lieu
géographique, symbolique ou artistique, où se trouve l'insaisissable
héros. Entre récit et images, l'enquête porte en réalité sur
le statut de l'art: d'objet. L'oeuvre passe à l'existence elle-même.
De production formelle, elle devient une attitude analytique. Quelques années
auparavant, en 1969, Ruppersberg, comme pour établir dans les faits
cette fusion entre l'art et la vie, ouvrait d'ailleurs un hôtel et un
café, dont une reconstitution remplace aujourd'hui la cafétéria
du Magasin. C'est sans doute là que l'on trouvera Al...
Lionel Bovier