La Consolation

 

«L’art de Consolation»
Libération, Paris, 18 mars 1999, p. 40 (extrait)

Le Centre d'art contemporain de Grenoble s'offre une petite virée du côté de l'Histoire. L'exposition qui s'y tient actuellement veut en effet poser un certain regard sur l'actualité de l'art flamand, et elle n'a pu résister à l'envie d'y adjoindre en guise d'introduction des œuvres datant du siècle dernier. C'est ainsi que l'on peut voir des tableaux de James Ensor côtoyer les dessins et sculptures de Jan Fabre. Ces petits détours dans le temps sont en fait une mise en atmosphère du titre de la manifestation: «La consolation». L'art comme consolation donc, mais aussi comme alibi, puisque la douleur et la peine s'accompagnent ici de ce regard plein d'humour et de distance que représente fort bien l'installation d'Honoré d'O. Son désordre joyeux et ludique finit le parcours proposé, une note de fraîcheur indispensable après l'autoportrait, par exemple, de Jan Fabre, où un mannequin, habillé en costume, assis à une table, est transpercé de clous de toutes parts. Deux des pieds des chaises et de cette table sont entourés de jambon cru et de cellophane. Le rire accompagne le masque de la mort, tout comme cette pièce de Thierry de Cordier Gargantua, dont les matières, cheveux, assiettes et cuir, mêlent les restes de corps à ceux d'un repas. Les artistes flamands expriment leur mélancolie avec délicatesse : «Comment peut-on mourir quand on porte une cravate ?», disait Cioran à propos de Magritte. Un désespoir dissimulé sous la mise en scène toujours un peu décalée des objets et des formes.[…]

Hauviette Bethemont